L’heure était aux lauriers au vice-rectorat. Le préfet Seymour Morsy, la vice-recteur Nathalie Costantini, le colonel de gendarmerie Jean Gouvart et le chef de corps du BSMA Christian Carrère étaient réunis pour remettre des récompenses aux élève les plus méritants. Y compris ceux de l’école de la deuxième chance.
Le vice-rectorat avait des airs de fête ce samedi 11 juillet : non seulement les épreuves, qui le sont pour les élèves mais aussi pour l’encadrement, du Bac sont terminées, mais les décrocheurs de mentions Bien et Très bien étaient couronnés. Ils sont 146 à avoir obtenu ce sésame qui ouvre une porte un peu plus grande aux études supérieures.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ils sont en grande majorité issus des bancs des écoles mahoraises. Ainsi la tête de file Amandine Dumas, en Terminale S au Lycée de Dembéni, et qui a obtenu 19,47 de moyenne pour sa mention Très bien, a suivi depuis sa primaire sa scolarité à Mayotte, en dehors des classes de 6ème et 5ème en métropole. Ses parents sont enseignants, « je pars faire une école d’ingénieur, l’INSA Lyon, parce que j’ai toujours eu envie de travailler dans le domaine scientifique, surtout dans les domaines de la physique et de la chimie ».
Les deux premiers ont reçu d’Ewa Air un billet pour la destination de leur choix, valable un an.
Héros de la famille
Les visages de l’excellence se sont dévoilés peu à peu. Ainsi Wasam, en Terminale ES à Younoussa Bamana, a obtenu elle aussi la mention TB, avec 16,36 de moyenne : « Si on travaille toute l’année, le bac, ce n’est pas très difficile », indique-t-elle, après une scolarité entière sur l’île. Elle part pour Bordeaux, en BTS de Commerce International au lycée Brémontier.
Ils sont trois potes à passer d’une main à l’autre le lourd ouvrage sur l’histoire de Mayotte compilée par , la récompense offerte aux meilleurs. Nafas est issu de la filière S, à Younoussa Bamana. Il est arrivé en 3ème à Mayotte, « j’ai bossé le dernier mois à fond », et s’oriente vers médecine à Caen. Alexandre est arrivé en 4ème à Mayotte, « toute ma famille a eu mention très bien au bac, c’est une réelle motivation ! ». Il part lui aussi pour l’INSA Lyon, « j’ai envie d’être ingénieur en génie civil comme mon père ! »
C’est l’inverse pour Toimidine qui a réussi le double exploit d’avoir 19 en physique, la matière sur laquelle tout le monde a buté, et d’être la fierté de sa famille et de son père taximan, « personne n’est très scolaire chez moi, ils ont tous fait STMG. Je mène la barque ! ». Il a décroché la mention TB avec 17,5 de moyenne, et a été pris en classe de prépa à Joffre à Montpellier. « Nous avons tous été pendant l’année en module Préparatoire aux Etudes scientifiques, ça nous a beaucoup aidés », précisent-ils.
Le bac après tant d’échecs
Parmi les plus méritants, certains n’ont aucun diplôme… Ce sont les élèves en décrochage du système scolaire qui ont pu obtenir leur Bac grâce à l’école de la deuxième chance. « Ils sont 140.000 à décrocher ainsi en métropole » précise Philippe Louges, proviseur du lycée Bamana.
Deux établissements ont choisi d’héberger cette innovation à Mayotte : justement le lycée Bamana de Mamoudzou et le lycée du Nord. Deux proviseurs à avoir voulu redonner une chance à ceux qui ont échoué au moins deux fois au Bac, « certains ont même retenté 4 fois ! », commente Philippe Louges.
Désireux de se réinscrire en candidats libres, ils ont tous été orientés vers cette voix par le vice-rectorat : une salle dédiée, des cours assurés par plusieurs professeurs dans une même matière en fonction des heures dégagées par leur emploi du temps : « au lieu de bachoter seuls chez eux avec un espoir de réussite à 15% seulement, ils se retrouvent en cours, avec des travaux de groupe à effectuer », commente le proviseur.
Le module a été mis en place en janvier seulement, mais il le sera en octobre l’année prochaine : « ce qui permettra de travailler avec eux sur leur orientation, pour éviter que certains partent en métropole et risquent l’échec », argumente Véronique Demaison, l’enseignante référente en lettre et de cette école de la deuxième chance.
Ils sont 17 bacheliers au final, sur 21 à l’avoir tenté grâce à cette deuxième chance. Oublié leur tentative de survie, « car si on dit que le Bac ne vaut plus rien, on ne peut rien faire sans lui », résume le proviseur du lycée Younoussa Bamana, et ces jeunes voient déjà plus loin : « moi je suis pris au CUFR de Dembéni en AES », indiquent deux d’entre eux, alors qu’un autre souhaite tenter un BTS.
Première ou deuxième chance, l’ensemble des regards de ces jeunes visait la ligne d’horizon, comme si une partie de leurs premières contraintes venaient de tomber.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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