Le lanceur de javelot, plusieurs fois champion de France, doit porter les couleurs de Mayotte aux Jeux des Îles. A 36 ans, il sera en tout cas l’ouvreur de la délégation mahoraise pour la cérémonie d’ouverture, «un honneur» après un long parcours.
La cérémonie d’ouverture des 9es Jeux des îles doit commencer ce samedi 1er août à 15h15 (heure de Mayotte) par l’hymne national puis le défilé des délégations. A chacune son porte-drapeau… A chacun? Presque. Pour Mayotte, Ali Soultoini défilera en tête de la délégation mais le drapeau français sera porté par un autre. Car officiellement, nous ne pouvons toujours pas revendiquer l’étendard tricolore.
Comme promis par tant de voix politiques, Mayotte marchera bien derrière le drapeau bleu-blanc-rouge. Nous nous rangerons en fin de cortège, juste avant La Réunion, sous une bannière commune «France océan Indien». En tête, le judoka réunionnais Mathieu Dafreville (Saint-Pierre) avec le drapeau français puis les deux délégations : d’abord Mayotte et enfin l’île organisatrice, La Réunion.
Le “vieux” sage
Drapeau ou pas, Soultoini ne commente pas. Il est celui qui porte (ou pas) et non celui qui décide. Tout en rondeur et en langage diplomatique : un véritable officiel ! «J’ai été choisi pour mon palmarès, mes facilités à m’exprimer et parce que je connais à la fois bien Mayotte et bien les Jeux », explique le lanceur. Ce n’est en effet pas sa 1ère participation et du haut de ses 36 ans, il sera même un des doyens des athlètes.
«Si on s’entretient bien, si on ne se blesse pas, le javelot peut être un sport de maturité. C’est une question d’hygiène de vie et une bonne gestion de son corps pour perdurer». Le gamin de Passi-Kéli a donc fait un long chemin. Repéré à 14 ans par un prof d’EPS au collège de Tsimkoura, le jeune Soiltoini avait développé toutes les qualités premières des lanceurs grâce à la chasse aux oiseaux et au lancer de galets sur les plages.
Premier champion de France Mahorais
«Au premier cours de javelot, on était tous en ligne. ‘Lancez !’ Le mien était à 20 mètres devant les autres». Le moment va changer le cours de sa vie. Commencent alors les entraînements à Cavani et la première victoire, au championnat académique de l’UNSS. Mais il faudra attendre un an de plus pour qu’il s’adjuge le titre du championnat à La Réunion. Entretemps, un prof lui a passé un javelot. La plage est devenue son terrain de sport.
En 1998, à Dreux, il réalise tout juste les minima pour les Championnats de France junior (59m). Le jeune mahorais, inconnu de tous, remporte la finale à la surprise générale, grâce à un centimètre d’avance sur le 2nd à 64,04m.
«J’ai été le premier Mahorais Champion de France tous sports confondus», dit-il comme une évidence.
Pôle espoir, sport étude, et les titres qui s’enchaînent : champion de France Espoir en 1999, 2001, champion de France N2 en 2004 puis en 2010, de l’or entouré de 2es, 3es ou 4es places nombreuses. «On a du mal à reconnaître les efforts que font les sportifs. Personne ne m’a jamais demandé de m’entraîner. Pourtant, j’ai des résultats, il y a des gens qui me suivent.»
Trois à rêver de l’or
Il n’est pas facile de trouver des sponsors et des financeurs. «Il faut beaucoup d’échanges et multiplier les stages et les compétitions pour atteindre le sommet. Et ça, c’est compliqué de le faire comprendre», confie Ali Soutoini.
Et puis il y a la différence de statuts, entre des athlètes professionnels qui travaillent leur sport quand d’autres doivent s’entraîner en plus du travail. «Y a pas beaucoup d’athlètes qui arrivent au zénith en s’entraînant seuls».
Educateur territorial salarié du Conseil général, coach sportif, il garde donc un besoin de reconnaissance que cette fonction de porte-drapeau lui apporte un peu.
Pour ces jeux, les trois lanceurs de javelot de la délégation sont prêts. Comme Ali Soultoini, Fahdedine Madi Ali et Zoubert Combo rêvent d’un triple podium. Mais comme lui, ils pensent à la plus haute marche.
Dans le stade, trois petits suivront les performances de leur père. Les trois enfants d’Ali Soultoini s’orientent d’avantage vers le handball, le sport pratiqué par leur mère. Mais chacun des trois à un petit javelot, au cas où la passion se présenterait.
RR
Le Journal de Mayotte
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