CARNET DES ASSISES DU JDM. Une affaire très particulière est jugée depuis ce mercredi après-midi par la cour d’Assises de Mayotte. Dans ce dossier de viol présumé, la victime n’est pas présente pour faire entendre sa voix, personne ne sait d’ailleurs où elle se trouve. Ce n’est pas non plus la victime qui a prévenu la police des faits qui se sont déroulés le 23 novembre 2013. On évoque l’hypothèse d’un ami qui l’a recueilli dans sa voiture, en pleurs, sur le bord de la Nationale.
Cette victime a également été très difficile à joindre pour réaliser les expertises. Le juge d’instruction a enfin dû recourir à un mandat d’amener contre elle pour organiser une confrontation avec l’accusé.
«Elle en a marre de raconter toujours la même histoire et elle s’est construit une carapace pour mettre à distance les faits et la douleur», explique l’expert psychologue… A moins qu’elle ait menti auquel cas, «elle aurait eu peur de craquer devant la cour.» Nous voici donc au cœur de la question : ce viol a-t-il eu lieu ou comme l’affirme l’accusé ou la jeune femme était consentante ?
La vie banale d’un homme apprécié
Cette audience débute par un moment particulièrement déroutant, avec à la barre, un accusé dont la personnalité semble à des années lumières d’un violeur potentiel. Âgé de 28 ans, il s’est toujours débrouillé dans la vie sans jamais avoir réussi un examen ou un concours, ni dans l’hôtellerie ni comme chauffeur de bus. Pompiste chez Total pendant 6 ans, il a ensuite décroché un contrat d’insertion à la bibliothèque de Bandraboua, une commune où il a coaché une équipe féminine de handball.
Marié devant le Grand cadi, il est un époux «gentil» et un père «attentionné» de 4 enfants qu’il regarde avec une intense émotion dans la salle d’audience. En détention provisoire, il ne les a plus vus depuis presque 2 ans, il découvrait donc le petit dernier, né 3 semaines après son entrée à Majicavo.
Naturellement, il est aussi un détenu modèle qui participe aux ateliers et qui regrette de ne pouvoir travailler, une possibilité offerte aux seuls condamnés. Musulman pratiquant, il ne fait une entorse à la religion que pour quelques bières de temps en temps, mais «jamais plus de 3».
Pourtant, cet homme est bel et bien en prison.
Un homme qui aime les femmes
Les bières ne sont pas son seul pécher mignon. L’accusé est propriétaire d’une Peugeot 407, une voiture qui, apparemment, permet aux «beaux gosses» de faire monter de jolies filles pour prendre du bon temps. Car il reconnait un faible pour les femmes et des aventures nombreuses. Généralement, c’est l’histoire d’un coup, au moins une fois par mois. Mais il y a eu aussi une passade qui a donné naissance à deux autres enfants. Et puis, il y a surtout cette nuit du 23 novembre.
Il est au volant de sa voiture de tombeur, pour faire le taxi clandestin et arrondir ses fins de mois. Pour aller «chercher des femmes» aussi avec deux amis. A Majicavo Koropa, une jolie jeune fille en larmes surgit alors sur le bord de la route. Elle vient de se faire agresser avec sa copine par deux gars en scooter. Elle monte dans le taxi qui prend d’abord en chasse le scooter. Mais le deux-roues disparaît rapidement dans la nature et le taxi ne sera pas ce lieu sécurisant qu’elle espérait.
Le conducteur lui fait rapidement des propositions. Il se gare sur le chemin de la maison d’arrêt. Les deux sortent, dans la nuit, sous une pluie battante. Elle parlera de viol. Lui de relation consentie.
Un égocentrique sûr de lui
A bord du taxi, les deux passagers n’entendent pas de cris qui pourraient les alerter. Mais lorsque les deux reviennent, la jeune fille «pleurniche» selon les mots de l’accusé. C’est dans cet état que son ami la retrouve.
L’expert psychologue décrit tous les symptômes d’une jeune femme victime d’un abus sexuel, une victime «qui ne peut pas jouer un rôle». Ce même expert enfonce le prévenu : «compte tenu de son égocentrisme, la question du consentement de la jeune fille ne se pose pas», affirme-t-elle. Pour lui, son erreur a été ne pas la payer…
Parole contre absence, le procès se termine ce jeudi en début d’après-midi, après le réquisitoire du procureur Ampuy et la plaidoirie de Me Cooper, l’avocate du prévenu.
RR
Le Journal de Mayotte
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