Le tribunal de Mayotte va bénéficier de personnels supplémentaires pour faire face à une montagne de dossiers en attente. La Garde des Sceaux Christiane Taubira répond ainsi à une urgence.
Après les entreprises, les hommes. Alors que le ministère de la Justice a réorganisé les greffes du tribunal de commerce et a mis en route un véritable registre des sociétés (RCS), il s’attaque à présent à la mise aux normes des services judiciaires de l’état civil et de la nationalité. Deux postes vacants sont enfin pourvus grâce à des sorties d’école et 10 vacataires vont être recrutés pour 3 mois dès le 1er octobre pour travailler au traitement des dossiers qui s’empilent dans des proportions invraisemblables.
Pour l’état civil, les greffes évoquent plus de 2.000 dossiers en attente sans que l’on en connaisse le nombre exact. «Le premier objectif sera de faire en sorte que les dossiers puissent être enregistrés pour que nous connaissions, aussi bien à Mayotte qu’au ministère, l’état réel du stock à traiter», explique François Nadaud, le nouveau directeur de greffe du tribunal. Grâce à ces personnels et à une nouvelle organisation, le service va donc pouvoir s’attaquer à l’urgence.
La période post-CREC
L’Etat civil, c’est la pierre angulaire de l’identité d’une personne. Partout en France, si d’aventure une erreur s’est glissée dans le nom ou la date de naissance, ce problème d’état civil va impacter toute la vie du citoyen concerné. De l’école aux concours en passant par la création d’entreprise, la moindre démarche peut devenir un casse-tête, y compris pour les enfants de cette personne. Mais à Mayotte se rajoute une particularité : Nous sommes toujours dans la période post-CREC, la commission de révision de l’état civil.
«La CREC a fixé l’état civil de près de 70.000 personnes à Mayotte mais beaucoup n’ont pas reçu la notification de la décision… Et il resterait encore environ 100.000 personnes dont l’identité a été fixée en droit local mais qui ne disposent pas d’une identité clairement établie dans le droit commun», explique François Nadaud.
Ce sont donc autant de citoyens susceptibles de venir au TGI (tribunal de grande instance) pour disposer de leur identité officielle. Car si l’acteur majeur de l’état civil est la mairie, avec les officiers d’état civil sous l’autorité du procureur de la République, les rectifications ou les changements passent par le tribunal… D’où ces piles de dossiers qui vont enfin pouvoir être traitées.
Un homme face à une montagne
Le cumul de dossiers en attente est tout aussi impressionnant concernant la nationalité. «Le tribunal d’instance de Mayotte a la même activité que le TI de Paris en terme de stock», relève François Nadaud : on parle de plus de 2.600 dossiers !
Du point de vue judiciaire, la question de la nationalité concerne les DNF, déclarations de nationalité française, par exemple pour les enfants nés en France de parents étrangers, et les CNF, les certificats de nationalité française, document officiel qui prouve qu’une personne est française. Ce dernier document est délivré par le directeur de greffes… d’où l’engorgement. A Mayotte, jusqu’à présent, François Nadaud était seul. A titre de comparaison, le tribunal d’instance (TI) de Bordeaux compte 5 directeurs de greffes. De quoi submerger même le fonctionnaire le plus dévoué.
Des dossiers parfois très anciens
Car l’activité ne connaît pas de pause : 180 dossiers ont été déposés en juin, 490 en juillet, près de 600 en août… Le TI serait face à un stock de 800 dossiers DNF et 1.800 dossiers CNF… Un flux qui n’était plus gérable dans l’état actuel du fonctionnement du tribunal.
«Ce qui est compliqué avec ces dossiers, ce sont les actes étrangers pour lesquels nous sommes confrontés à beaucoup de fraudes et nous n’avons que très peu de réponses aux questions que nous posons aux autorités comoriennes mais aussi malgaches», explique François Nadaud. Si le service parvient à trouver des solutions en interne pour débloquer des dossiers, ce sont tout de même près de 1.200 demandes qui ont été déposées avant… 2013.
Des partenariats renforcés avec le vice-rectorat, la ville de Mamoudzou qui concentre 80% des données administratives de Mayotte, mais aussi avec la PAF devraient permettre de fluidifier un peu plus le fonctionnement.
Passer de l’urgence au pilotage
Ces moyens supplémentaires étaient évidemment attendus impatiemment depuis la visite de la Garde des Sceaux Christiane Taubira qui avait constaté le manque de moyens humains de ces services à Mayotte l’an dernier. Des membres du programme «VIA-Justice» (Valorisation d’Innovation et d’Accompagnement des juridictions) de passage dans notre département ont également pu affiner l’analyse des besoins, relayés par la Chef de Cour de Saint-Denis Gracieuse Lacoste, le président du TGI Sabatier ou encore les procureurs Joël Garrigue et Claude Laplaud.
«Peu à peu, on va passer d’une gestion à court terme, dans l’urgence, à une gestion de pilotage de l’activité, ce qui permettra de mettre en place, dans tous les services, la meilleure organisation pour une bonne efficacité de notre action», conclut François Nadaud. De l’amélioration de l’accueil du public à la multiplication des points d’accès au droit, à Sada ou Pamandzi par exemple, les chantiers ne manquent pas.
RR
Le Journal de Mayotte
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