Souffrant de maladies rénales, ils sont partis en kwassa d’Anjouan, ont été débarqués à Mayotte avant d’être évacués sur La Réunion. Eux, ce sont des enfants en bas d’âge séparés de leurs proches pour être soignés. Philippe Bonhomme et Frédéric Cordier racontent leurs parcours dans le documentaire «Les petits exilés médicaux».
«On parle beaucoup des migrants mais on oublie les exilés médicaux. Pour leurs soins, ils doivent quitter leurs vies, voyager seuls, sans accompagnant et se retrouver sur une terre inconnue pour eux. Il faut que cela cesse». Ce cri de détresse est lancé par Philippe Bonhomme. Avec Frédéric Cordier, le directeur associé de la société de production «On en parle Mercredi», il vient d’écrire et de réaliser un film-documentaire sur ces enfants pas comme les autres : «Les petits exilés médicaux».
Le projet a mûri pendant deux ans grâce à l’appui d’Air Austral, de la mairie de Saint-Denis, du conseil général… Les exilés, ce sont des gamins qui souffrent de pathologies rénales. «Soit ils restent à Anjouan et meurent dans d’atroces souffrances, soit ils se font soigner ailleurs», fait remarquer Philippe Bonhomme. Les parents les mettent alors dans des kwassas, des bateaux de fortune, direction Mayotte. Et là, le cauchemar commence car les passeurs, quand ils apprennent la présence d’enfants malades, augmentent les tarifs des voyages. «Les enfants sont donc cachés, font la traversée dans des mauvaises conditions. Ils arrivent encore plus souffrants. Les passagers sont jetés à 50 mètres du bord et certains arrivent sans papiers à Mayotte».
Le réalisateur indique qu’il y aurait 2.500 kwassa-kwassa par an entre Anjouan et Mayotte. Un peu plus de 700 sont interceptés par les autorités françaises. Mais une fois sur l’île aux parfums, les problèmes continuent pour ces petits. Il n’y a pas de prise en charge publique pour les pathologies rénales, les dialyses. Et ils ne peuvent pas aller se soigner dans le privé qui réclame la carte vitale et la mutuelle… Seule solution : l’Evasan (Eva-cuation sanitaire).
Le début de la solitude
Mais pour ce voyage, le bébé ou l’enfant en bas âge ne peut pas être accompagné par un parent. Il part donc seul. Une situation dramatique qui est une nouvelle illustration de la distance que s’autorise la France à Mayotte avec les Droits des enfants. «Et il faut que ça change», martèle Philippe Bonhomme, avouant qu’il a été «dur» de voir le parcours ces enfants.
A la Réunion, les petits exilés sont pris en charge en nephro-pédiatrie, au CHU. «C’est une équipe formidable qui donne de l’attention, de l’humanité à des enfants qui ne peuvent plus retourner ni à Mayotte, ni aux Comores, parce qu’ils ont besoin de soins». Les malades grandissent dans l’île. Certains, arrivés, bébés, sont devenus ados, loin des leurs. Ils partagent leurs vies entre l’hôpital avec, pour seule compagnie, le personnel hôpitalier et la famille d’accueil -quand il y en a une – avec le soutien des associations.
«Si c’était vos propres enfants?»
Ils suivent des cours au sein de l’établissement hospitalier ou à l’école. «Ils souffrent d’hospitalisme. Le vide affectif est énorme», fait remarquer le réalisateur. L’hospitalisme est cet état dépressif qui se manifeste chez certains enfants séparés précocement de leur mère.
A l’hôpital, des liens se nouent entre les enfants et l’équipe médicale, entre les enfants eux-mêmes, avec les familles d’accueil. Le réalisateur a suivi une vingtaine de gamins hospitalisés et des collégiens de Saint-Leu qui ouvrent le débat sur ces exilés médicaux. «Le but est de faire avancer les choses. On veut dire aux gens : vous feriez quoi si c’était vos propres enfants qui étaient malades? C’est humain, on les enverrait se faire soigner pour les sauver.»
Philippe Bonhomme et Frédéric Cordier insistent encore: «La loi sur l’accompagnement doit changer». Ils seront à Saint-Denis, à La Réunion ce dimanche (au Plaza) pour présenter leur film-documentaire.
RR, Le JDM
avec Juliane Ponin-Ballom, Le JIR.
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