C’est une petite révolution que vient de faire voter le sénateur de Mayotte Thani Mohamed Soilihi : tous les départements et territoires ultramarins où s’applique le code de l’action sociale et des familles, pourront solliciter l’aide de l’Etat pour leurs mineurs en danger. C’est le cas de Mayotte.
Ironie du calendrier, nous avions titré hier sur la volonté du ministère des Outre-mer d’accompagner le département de Mayotte sur le sujet de l’enfance en danger. La veille, le sénateur Thani Mohamed Soilihi défendait au Sénat un amendement qui va révolutionner la prise en charge de ces enfants : il reconnaît la mission régalienne de l’Etat en matière de prise en charge des enfants en situation de danger et d’isolement dans les territoires ultramarins.
Un amendement de l’article 22 de la proposition de loi modifiée par l’Assemblée nationale relative à la protection de l’enfant qu’il présentait aux côtés du sénateur Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
Cet article 22 évoque le système de solidarité entre départements pour la prise en charge des mineurs isolés lorsqu’ils sont trop nombreux, mis en place par la garde des sceaux en 2013. Que les sénateurs ont appelé à amender, parce qu’inadapté à l’Outre-mer : « Imaginerait-on envoyer un enfant isolé de Mayotte en Bretagne ou mineur de Martinique à Marseille ? », interrogeait Thani Mohamed Soilihi lors de son intervention.
Un dispositif proposé par Christiane Taubira
Des déplacements d’enfants de milliers de kilomètres « tellement lointains qu’outre leur coût, ils auraient des conséquences irréversibles sur la situation de ces enfants et les exposeraient à des désagréments excessifs risquant de leur causer de nouveaux traumatismes », défendent-ils. Le critère d’éloignement géographique sera donc rajouté par décret du conseil d’Etat.
Mais dans ce même amendement, Thani Mohamed Soilihi a glissé un autre argument, plaidant que le même dispositif Taubira « offre un soutien de l’Etat aux départements au titre de la mission régalienne d’évaluation du danger et de l’isolement. Actuellement, les enfants d’outre-mer en sont également exclus, ce qui n’est pas juste. » Il appelle à replacer les départements et collectivités d’outre-mer où s’applique le code de l’action sociale et des familles dans une situation de droit commun.
« Un amendement de bon sens »
Il avait auparavant mené un travail sur cette mission régalienne de l’Etat avec le ministère de la Justice, « j’y ai trouvé une écoute, ainsi qu’un intérêt marqué pour la situation ultramarine », rajoute-t-il lors de son intervention.
Le président de la séance interrogeait la Commission sur ce sujet, qui souhaitait elle-même avoir l’avis du gouvernement. « Il s’agit d’un amendement de bon sens (…) l’avis du Gouvernement est favorable », déclarait Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat qui commentait seulement le critère d’éloignement géographique, « il doit être pris en compte ». L’Etat peut donc endosser sa mission régalienne auprès des mineurs isolés. Les deux territoires ultramarins principalement concernés sont Mayotte et la Guyane.
Il faut auparavant la signature d’un décret en conseil d’Etat, qui appelle au préalable un vote dans ce sens du département. Ce dernier, qui a la compétence de l’action sociale, devait assumer seul jusqu’à présent la prise en charge de ces mineurs. C’est une bouffée d’air que lui offre donc le vote de cet amendement. La balle est maintenant dans le camp du conseil départemental.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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