Le portail d’accès du port de Longoni est bloqué depuis hier dimanche soir par les salariés de la SMART. Depuis le prononcé de leur expulsion par le tribunal administratif, les tentatives d’accord avec la délégataire du port, Mayotte Channel Gateway, qui se positionne sur leur secteur de la manutention, ont été vaines. L’approvisionnement de l’île est menacé.
Ce n’est pas un barrage de mauviettes qui se dresse de part et d’autre du grand portail bleu du port: en le bloquant avec leurs stackers et porte-containers, les dockers annoncent la grève illimitée qui vient de commencer au port. Et qui s’appuie aussi sur les revendications sociales de la grève générale de ce 3 novembre.
Il va être difficile de scinder les deux conflits, celui du port risquant, par la pénurie qu’il peut induire, de déplacer les regards vers Longoni plutôt que sur la transposition du code du travail défendue place de la République. Ou alors servir de moyen de pression.
Car selon Salim Nahouda, le secrétaire départemental de la CGT Ma, le combat va être long au port de Longoni qu’il estime lâché par l’Etat: «en 2012, lorsqu’ont été institués les grands ports maritimes, les quatre DOM ont été concernés, mais pas Mayotte. On peut dire que l’Etat s’est désengagé, alors que Mayotte était déjà département. Qui dit que la présidente de la CCI de l’époque, qui est maintenant à la tête de MCG, n’a pas préparé la privatisation du port à cette époque, avec la complicité d’élus qui n’avaient qu’une idée en tête, s’enrichir?»
Casser la DSP
Des reproches qui s’adressent aussi à l’équipe actuelle du département: «On ne peut se prétendre arbitre et ne pas siffler quand il y a faute.» Le conseil départemental est en effet étroitement lié par la Délégation de service public (DSP) aux bénéfices dégagés par MCG, son délégataire. «Ce n’est pas une raison pour ne pas stopper l’engrenage d’investissements qui sont réalisés sans discussions préalables avec le manutentionnaire », juge le syndicaliste, qui indique par ailleurs, que « le préfet s’est engagé à faire les expertises sur le port pour évaluer les problèmes.» La Fédération nationale des Ports et docks CGT y travaille de son côté.
L’autre syndicat représentatif à la SMART, la CFDT d’Ousseni Balahache, est également très critique, «sous quelle emprise étaient les élus au moment de signer cette DSP?»
C’est du gouvernement que Salim Nahouda attend une avancée, «il doit inciter le conseil départemental à casser la DSP», déclare-t-il, sans parvenir à chiffrer exactement la perte pour le département d’une telle opération, «qui permettrait de basculer vers un grand port maritime.» Un statut proche de l’utopie pour MCG, le gestionnaire par délégation du port «C’est impossible au regard des volumes restreints et des équipements de Longoni. Il faudrait par exemple un quai d’un kilomètre de long.» Renseignements pris, le quai le plus long du Grand port maritime de La Réunion mesure 649m de long.
« Nous avons besoin des salariés de la SMART »
L’objectif de Salim Nahouda est évidemment le maintien à 100% en emploi du personnel de la SMART, «surtout que direction et salariés ont signé l’application de la Convention collective unifiée des docks, qui s’appliquera quelque soit l’issue. Mais je suis personnellement contre la reprise des salariés par une même structure qui serait MCG, qui ne pourrait pas exercer de concurrence contre elle-même, un peu comme Air Austral et Ewa», explique-t-il.
De son côté, MCG déplore d’être privée de tout accès au port: «Les salariés de la SMART menaçaient même de s’en prendre à nos véhicules.» Ils annoncent que les négociations sont rompues, «priorités aux salariés. Nous avons besoin de leurs compétences pour continuer à travailler.» La chargée de communication indique qu’une cinquantaine de salariés s’apprête à rejoindre MCG.
Un mouvement qui va atteindre rapidement le consommateur, en témoignent les files d’attente des voitures devant les stations d’essence: le pétrolier High Freedom est attendu pour ce 4 novembre, qui ne pourra décharger qu’en cas d’accès au port par les pilotes et capitaines de remorqueur, et trois porte-containers sont attendus après-demain.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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