Les journalistes invitaient George Pau-Langevin à venir sur un terrain qu’une ministre socialiste n’aime pas côtoyer, celui de la pression migratoire et du sentiment d’abandon de la population autochtone. Ce qui explique en partie la tension des échanges.
Quand certains habitants n’osent plus sortir de peur de se faire agresser, quand un malade ne peut plus se faire soigner correctement parce qu’il faut traiter les cas des nouveaux arrivants en urgence, alors oui, la population est très en attente de la moindre visite ministérielle.
Malheureusement, c’est un échange proche de l’autisme qui a marqué la conférence de presse donnée par George Pau-Langevin. Le message que tentaient de faire passer les journalistes sur la difficulté pour la population d’avoir accès aux services publics en raison d’une forte pression migratoire également consommatrice, n’est apparemment pas audible. En tout cas, reste sans réponse.
On peut comprendre qu’il est difficile pour une ministre de gauche d’entendre parler de montée de communautarisme, d’habitude un thème réservé à l’extrême droite, pour évoquer les manifestations contre les usurpations de foncier, ou l’engorgement des services médicaux, mais il ne s’agit pas à Mayotte de racisme. Pas encore du moins.
«Mayotte française, une situation délicate»
Car jusqu’à présent, le problème n’est pas d’exclure une population en situation irrégulière de l’accès aux soins ou aux droits que leur garantit la République, mais de le permettre pour tous, contrairement à ce que certains journalistes sous-entendaient. Ce qui nécessite de doubler voire tripler les moyens pour que chacun y ait accès. «Notre gouvernement a déjà fait beaucoup», s’est énervée à plusieurs reprises la ministre, «et nous rattrapons là des situations qui auraient dû être réglées il y a trente ans.» Pas étonnant de voir du monde dans la rue donc.
Elle appelait aussi les élus à leur responsabilité en matière de foncier et l’habitat illégal, ainsi que l’ensemble de la société civile, «ne dénoncez pas l’immigration si vous employez des personnes en situation irrégulière.»
Le seul moment où la ministre abordera de front la question, sera sur l’évocation du choix de notre île : «On savait quand Mayotte a voulu être française que ce serait une situation délicate. Nous savons que ce qui se fait n’est pas suffisant, mais nous devons assurer un rattrapage progressif comme dans les autres départements et en ne déstabilisant pas l’économie. Mayotte est une société qu’on fait évoluer très vite, attention aux blocages.»
Un bilan global de la délinquance à Mayotte
En parlant de blocage, la progressivité est justement refusée par l’intersyndicale qui a manifesté hier son mécontentement, mais justifiée pour George Pau-Langevin, «les petites entreprises ne peuvent pas suivre les augmentations de salaires proposés dans le public et demandent des exonérations de charges.»
Certains sujets ont déjà fait l’objet d’articles et les avancées sont connues comme la reprise de 100% d’ancienneté des agents du corps transitoire depuis 2009, l’intersyndicale la demandant pour l’ensemble des carrières. «J’ai compris les impatiences en accélérant le calendrier, notamment pour examiner cas par cas la situation de cotisation de ces agents. On peut y arriver sans pousser des hurlements et des anathèmes. Ce n’est pas en bloquant les barges que la situation va se régler.»
Sur le problème de la sécurité, on sait qu’un escadron de gendarmerie a été déployé par Manuel Valls, ainsi que 44 policiers aux frontières. Les chiffres continuent malgré tout à rester dans le rouge: «le procureur a traduit la dureté des violences», rapporte George Pau-Langevin qui sortait de la réunion de travail sur la sécurité intérieure. On sait que deux missions sont dépêchées par le ministre de l’Intérieur, «elles vont nous donner un bilan global de la situation à Mayotte.» Bilan qui n’a jamais encore été fait, selon la ministre.
Sur ces deux sujets essentiels de la sécurité et de la pression migratoire, pas de réponse à court terme donc.
Il est rare de voir la ministre des Outre-mer, au tempérament plutôt affable, si tendue. A mettre en lien avec l’accueil revendicatif qui lui était fait hier, et au blocage des échanges entre Petite et Grande Terre qui l’ont contraint à modifier son programme.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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