La terre de notre île n’en finit plus de dégringoler dans les rivières et le lagon. Erosion naturelle mais surtout humaine, elle s’écoule sans retenue des flancs de cette île volcanique. On en connaît les causes, qui seront reprises dans le projet LESELAM encours d’élaboration en concertation avec la population. Les habitants de Tsingoni étaient invités à en débattre ce samedi.
A chaque grosse pluie, notre belle eau bleue du lagon vire au brun, sous l’effet des sédiments et alluvions qui s’y déversent en masse. On en connaît les raisons, mais sans parvenir à agir réellement : le brûlis pour pratiquer les cultures sauvages, qui élimine les arbres fixateurs, et la terre prélevée lors des constructions, le plus souvent en habitat illégal.
La gendarmerie et la brigade nature pratiquent des opérations charbonnage, mais pas assez fréquentes. Quant à l’habitat illégal, il revient aux maires d’agir, ce qu’ils ne font pas pour diverses raisons.
La DEAL, Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement, a donc commandé au Bureau de Recherches géologiques et minières (BRGM) une étude sur l’érosion des sols à Mayotte pour quantifier le phénomène, le localiser et proposer des solutions. Est né le projet LESELAM, pour Lutte contre l’Erosion des Sols et l’Envasement du LAgon à Mayotte, en partenariat avec la Cirad, la CAPAM, les Naturalistes, l’IRSTEA, et sous financement européen FEADER.
« On fait des réunions comme celle-là, mais ça ne va pas plus loin »
« Nous en sommes à la phase de diagnostic. Nous mesurons l’érosion des deux Bassins versants, celui de Mstamboro et celui de Dzoumogné, sur les trois zones, forestières, urbaine et agricole », indique Sarah Mosnier, chargée de communication pour les Naturalistes, depuis la MJC de Tsingoni où se tenait une réunion publique. Elle invitait les habitants de la commune à échanger sur les impacts, les problèmes et les causes de l’érosion mais aussi sur les moyens à mettre en œuvre dans le village de Tsingoni. L’objectif est de déterminer laquelle de ces trois zones, impacte de plus le lagon.
Une habitante prend la parole en shimaoré, un peu énervée, traduit par son voisin : « c’est l’interaction entre ces trois causes, déforestation, construction urbaines et cultures sauvages agricoles, qui abiment les sols et provoquent l’érosion. Le réservoir d’eau que je garde pour la saison sèche a été rempli de terre la saison précédente. Les autorités sont parfaitement au courant de ce déboisement dans la commune de Tsingoni, on fait des réunions comme celle-là, mais ça ne va pas plus loin. Est-ce que cette fois-ci cela va changer ?! », interpelle-t-elle Bastien Colas, envoyé par le BRGM Montpellier pour étudier cette érosion en zone urbaine.
Prise de conscience de la population
Une intervention frappée au coin du bon sens qui rappelle qu’à chaque problème son Plan, alors même que les solutions sont connues. Sarah Mosnier relève notre remarque : « c’est vrai, nous connaissons les actions de remédiation à mettre en place, mais il faut une démarche participative et concertée pour que la population prenne conscience des causes de l’érosion pour qu’elles ne se répètent plus. » Pour cela, la population doit répondre en plus grand nombre que la dizaine d’habitants présents à Tsingoni.
Bastien Colas prendra comme exemple la détériorations liée aux constructions : « pourquoi la terre dégagée pour aplanir un terrain reste-t-elle stockée en tas, prête à dégringoler à flanc de pente lors des premières pluies ? »
Ainsi des ateliers sont programmés dans un deuxième temps avec les acteurs des trois zones concernées, forestières, agricoles et urbaines, « pour trouver des solutions concertées ».
La semaine prochaine, ce sera le tour des habitants de Mtsamboro et Dzoumogné d’échanger autour de ces problématiques.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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