On ne parle pas ici de climat politique, mais bien des variations de températures ou de pluviométrie qui impactent notre île. Les premières mesures prouvent que Mayotte est bien menacée par l’élévation du niveau des océans.
A la veille du lancement de la grande Conférence des Parties, COP21, nous avons cherché à savoir si Mayotte était impactée par un quelconque changement climatique. A notre grande surprise, les services de Météo France Mayotte ont bien enregistré des évolutions, certaines bénignes, d’autres plus sensibles.
« Nous avons découpé l’atmosphère qui entoure la planète en cubes et observé les évolutions, notamment l’impact des gaz à effet de serre », explique Bertrand Laviec, le directeur de l’antenne locale de Météo France, spécialiste des situations de crise.
Jusqu’à présent, Mayotte n’était qu’un petit confetti sans importance, mais les capacités d’observation ont été améliorées, « nous sommes descendus de l’échelle 200kms à 40-50 kms, et obtenu ainsi il y a quelques semaines les premiers calculs pour Mayotte. »
L’homme (ir)responsable
Le hic, c’est qu’il faut pouvoir les comparer. Et notre territoire manquait, manque toujours d’ailleurs, cruellement d’instruments de mesure et de données, en dehors de Pamandzi pour laquelle on possède des relevés des années 60. « Nous avons donc homogénéisé les données avec Madagascar et les Comores pour pouvoir les comparer. »
En matière de températures tout d’abord. « Depuis 1900, les minimales (de nuit) ont augmenté de 0,13° par décennie à Mayotte, et les maximales de 0,15°, nous sommes donc à plus de 1,5° en plus d’un siècle », constate le météorologue. Et la cause est unique pour lui, « à 100%, l’homme ! »
N’essayez même pas de lui parler de l’influence des éruptions à la surface du soleil, qui, superposées à la courbe des températures du globe, offre une bonne corrélation, « les cycles solaires alternent tous les 11 ans, et se remettent alors à zéro. Lorsque les températures sont liées à une évolution naturelle, elles n’augmentent environ que de 1 degré tous les 10.000 ans, et non en 100 ans comme c’est le cas actuellement ». Il produit d’ailleurs une courbe éloquente d’influence des activités humaines.
« Risque équivalent aux atolls polynésiens »
Les précipitations n’offrent pas une évolution spectaculaire. « Depuis les années 50, on évolue légèrement vers le plus sec dans le sud de l’île, et dans la même proportion vers le plus humide dans le nord. » Seule Petite Terre est franchement moins arrosée avec 2% de différence. Actuellement, le talweg de mousson (phénomène qui organise la mousson), n’a toujours pas apparu dans notre zone.
Par contre, le niveau global des océans donne matière à inquiétude. « Il augmente de 4 à 5 centimètres depuis les années 50. Une évolution comparable aux atolls polynésiens », qui sont l’objet de toutes les attentions pour cette COP21. Pour Bertrand Laviec, le danger n’est pas le même : « une grosse vague peut tout emporter des atolls plats polynésiens, ici le relief nous sauve. » L’impact sur les habitations n’est pas de son ressort, mais celui des services de l’Etat comme la DEAL ou le BRGM, qui sont alertés.
Les cyclones enfin, auxquels les météorologues ont consacré une conférence sur les prévisions et l’évaluation des risques. Pas de grands changements pour eux, si ce n’est qu’à l’horizon 2070, leur intensité augmentera, « et statistiquement parlant, on est certain qu’il y en aura un dans le siècle. »
Une fois ce constat dressé, que peut la COP21 ? Bertrand Laviec nous aide à comprendre le fonctionnement des forces en présence : « Au sein du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, vivent trois familles. Les experts de l’étude climatique que nous sommes, les scientifiques qui évaluent son impact sur la faune, la flore etc., et les politiques. Ce sont eux qui vont s’exprimer à la COP et tenter d’infléchir la courbe. »
Quatre possibilités s’offrent à eux. Soit l’humanité poursuit sur le même modèle de croissance globale, soit elle parvient à stabiliser en position, haute ou bien basse, « soit enfin elle réalise ‘qu’on s’est bien amusé’, et qu’un déclin de l’impact est indispensable. C’est ce dernier enjeu qui est retenu comme ambition de la Conférence internationale qui commence demain. » Soit une limitation de 2 degrés du réchauffement climatique par rapport à l’ère préindustrielle, « pour contrer une tendance donnée par le GIEC de hausse des températures de 0,3 à 4,8° d’ici 2100. »
Bertrand Laviec donne d’ailleurs une conférence sur les mécanismes du changement climatiques le 7 décembre 2015 à 18h au cinéma Alpa Joe de Mamoudzou, et pourra répondre aux questions.
Les conclusions de la COP21 qui se déroule dans un climat post attentats, seront très attendues, d’autant qu’hormis le Protocole de Kyoto en 1997 dans lequel les pays industrialisés s’engageaient à limiter leur émissions de gaz à effet de serre à 5%, peu de conférence ont obtenu de réelles avancées depuis.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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