La Comédie Française, l’Opéra Garnier ou le Louvre ne sont plus des rêves abstraits pour 12 étudiants du CUFR. Entrainés par leur enseignant, ils ont découvert Paris et ses chefs d’œuvre. Un voyage quasi initiatique qui les a aidé à évoluer.
L’initiative vient d’un enseignant présent depuis 20 ans à Mayotte. Jean-Louis Rose est professeur de littérature médiévale au Centre Universitaire de Formation et de Recherche (CUFR) de Mayotte. Mais pas seulement. Il anime un atelier théâtre, la toute jeune université mahoraise née en 2011, n’ayant pas encore de Centre culturel.
En novembre 2014, il avait amené ses élèves et des lycéens de Bamana à La Réunion pour y découvrir des spectacles. « Ce qui a créé une émulation chez les jeunes qui ont eu envie de poursuivre cette action et de créer un atelier », rapporte-t-il. Et deux mois plus tard, accompagnés par la compagnie Ari Art d’El Madjid Saindou, un atelier de 3 heures de théâtre hebdomadaire voyait le jour.
La nécessité d’une politique culturelle au sein du CUFR se fait jour, dont il devient le coordonnateur, nouant des partenariats avec Hippocampus ou Ciné Musafiri. Il choisit le créneau disponible entre midi et 14h pour les étudiants, et des conférences hebdomadaires sont lancées, « Améliorer l’apprentissage grâce aux neurosciences », « Utilitarisme et économie », sont deux des thèmes abordés en 2016. « Je profite de la présence à Mayotte d’intervenants qui apportent leur savoir en le rendant accessible à tous. » Une convention « Université lieu de culture », a été signé dans ce cadre à la préfecture le 2 juillet 2015.
Grandes chorégraphies et tableaux d’anthologie
Mais le déplacement à La Réunion l’année précédente leur donne des envies d’ailleurs, et l’atelier théâtre se déplace à Paris, avec 12 étudiants en Lettres, AES, Droit ou Géographie. C’est Anne-Violaine Taconet, professeur certifiée de théâtre qui assure le relai sur place et qui prépare le séjour du 4 au 11 novembre. Le financement de 18.000 euros est assuré par la DAC de la préfecture de Mayotte, le fonds FEBECS de financement des voyages culturels, le CUFR et un mécénat d’IBS.
La nuit, ils dorment à l’auberge de jeunesse Yves Robert dans le 18ème, et le jour, ils écument les plus grandes scènes parisiennes, l’Opéra Garnier, pour un spectacle chorégraphique, la Comédie Française et « La Double Inconstance » de Marivaux, ou le Théâtre de l’Odéon pour « Vu sur le pont » d’Arthur Miller, et approchent les grands chefs d’œuvres des musées, au Louvre, « La liberté guidant le peuple » de Delacroix, les sculptures de l’Egypte ancienne, de l’Antiquité grecque, ou la Grande galerie de l’évolution du Musée d’Histoire Naturelle avec une exposition de photographies de Robert Doisneau.
La misère à Paris
Et bien sûr, Thani Mohamed Soilhi les a accueillis à bras ouvert pour une visite poussée du Sénat, « où nous avons assisté à une partie des débats », indique Jean-Louis Rose. Avec une réflexion menée avec le sénateur sur le fonctionnement de la République, « et la possibilité pour chacun de gravir les échelons de la société ».
La plupart des 12 étudiants n’avait jamais mis un pied en métropole. Ce n’est pas exagéré de dire que Naïlami Hadhari a encore des étoiles dans les yeux : « J’ai enfin un aperçu de la culture française. J’ai surtout été marqué par la chorégraphie qui racontait à sa façon une histoire d’amour et la pièce de théâtre « Père » d’Auguste Strinberg ».
Ce qui l’a choqué nous ramène à la réalité parfois oubliée de la métropole : « Je n’ai pas aimé voir cette misère, les mendiants dans la rue et ceux qui dorment dans le métro. »
48h avant les attentas
Un voyage qui l’a amené à revenir sur un éventuel départ vers la métropole, « je ne suis pas sûr de vouloir partir, entre le dépaysement et la météo de novembre… ». Des prises de conscience indispensables en amont, pour infléchir le fort taux d’échec de nos étudiants en métropole.
Cet enrichissement collectif ne reste pas sans écho puisque Naïlami Hadhari, qui travaille à côté de sa 2ème année de licence de Lettre moderne comme assistant d’éducation au collège de Koungou, œuvre à la création d’une troupe de théâtre.
Leurs « Itinéraires culturels » 2015, comme aime à l’appeler Jean-Louis Rose, s’est achevé deux jours seulement avant les attentats terroristes de Paris. Un événement qui les aura plus particulièrement bouleversés, eux qui côtoyaient les centres névralgiques culturels parisiens 48h avant, « Plus que jamais, la culture sous toutes ses formes est certainement la meilleure arme contre la violence aveugle et le fanatisme », souligne gravement l’enseignant.
Il ne manque pas de projets pour l’avenir et louche du côté de Strasbourg, de son Théâtre national et des instances européennes.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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