Les vœux sont l’occasion tirer des bilans et d’émettre des souhaits pour l’année à venir : le président de la CMA a profité de sa fin de mandature pour solliciter préfet et conseil départemental sur les enjeux stratégiques mis en place pour conforter et développer un secteur artisanal très fragile.
L’artisanat, ce n’est pas la France d’hier, c’est aussi celle de demain. Celle qui a toute sa place dans l’économie sociale et solidaire, et celle qui doit porter ces hommes et ces femmes qui assurent tout un pan du tissu économique. Encore trop faible à Mayotte comme le faisait remarquer Omar Djoundiy, le président de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat (CMA) lors de ses vœux ce vendredi.
« Avec 2.976 artisans inscrits au 31 décembre 2015, notre département reste toutefois en queue de peloton », à comparer en effet avec les 16.000 artisans réunionnais. L’île compte 4% de nouveaux artisans en 2015, essentiellement dans les secteurs du Bâtiment et des Services, et très majoritairement masculins, à 87%. Les femmes n’ont vraisemblablement pas toutes « une bonne raison de choisir l’artisanat », phrase-clef du secteur réputé être la première entreprise de France, par son nombre d’adhérents.
Mais à Mayotte, si le nombre de radiations (114) est en diminution, « les effets dévastateurs de la crise de 2011 et les contraintes de la départementalisation ayant déjà achevé les entreprises les plus faibles », les créations (230) chutent par rapport à l’année précédente, « prouvant la réticence des professionnels à créer leur entreprise dans un environnement économique et social difficile », explique le président, qui pointe aussi le problème de la formation diplômante par l’apprentissage, encore balbutiante à Mayotte.
Défaillance du conseil départemental
En attendant la mise en place d’ici 2020 d’une Centre de Formation de apprentis qui devrait regrouper les 4 unités œuvrant dans ce secteur, la CMA n’est pas restée les bras ballant et a créé son Université Régionale des Métiers et de l’Artisanat (URMA) pour laquelle elle a été agréée en juin dernier, tout en visant la certification ISO. Une preuve que « le sous-développement de notre île pouvait être compensé par notre aptitude à proposer des projets innovants et à les réaliser. »
L’URMA aura accueilli 614 stagiaires en 2015 en formation continue et 30 stagiaires en formation initiale « boucherie ». L’extension des locaux de formation est quasiment achevée, « grâce à l’aide de l’Etat. » Qui a participé à hauteur de 272.000 euros pour un investissement de 502.000 euros, « le conseil départemental n’ayant pas versé les 230.000 euros pour lesquels il s’était engagé », nous indique Soulaimana Salimé, 1er vice-président de la CMA.
Le financement de la Chambre sera d’ailleurs une des « questions qui fâchent » abordées par le président. Outre la mise en place du régime fiscal de droit commun qui fait supporter aux artisans le financement de la Chambre, « et une diminution de notre budget de 200.000 euros, alors que depuis la création de notre institution, nous faisons face à un manque de recettes de 240.00 euros. »
« Sans peau de banane »
Un président Djoudiy qui lançait un appel au préfet et au président du conseil départemental : « Toutes nos marges de manœuvre et toutes nos niches économiques ont été épuisées (…) La situation est grave, alors que l’artisanat est une chance pour notre territoire. » Une des actions, le Centre de Recherche, d’Etudes et de Formation sur les matériaux locaux de construction et d’équipement, attend notamment son financement.
Même demande pressante sur la Pépinière d’entreprises, en attente depuis 2003. Si le bâtiment est prêt depuis le mois de novembre, et que « les créateurs sont nombreux à nous solliciter », il faut financer les 8 ateliers, les 2 bureaux et les équipements communs du Centre de ressources.
La CMA peut se targuer d’avoir lancé avec succès depuis 3 ans le Forum des métiers et de l’Artisanat « qui a accueilli plus de 54.000 visiteurs en 2015 », et « 3 colloques régionaux, dont un décentralisé à Diego. »
La CMA de Mayotte affiche aussi sur la toile les chiffres mensuels de l’artisanat dans notre département et sa webcam balaye le front de mer de Mamoudzou, sur le site www.cmamayotte.com
Après avoir décerné deux titres nationaux d’artisanat d’art au photographe d’art Bruno de Villeneuve, qui a couvert les paysages de l’ensemble de l’île, c’est très ému qu’Omar Djoundiy annonçait terminer son mandat : « C’est rare à Mayotte qu’un président termine son mandat sans qu’on lui ait glissé une peau de banane ! »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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