Prendre un avion pour aller négocier des contrats, ça n’est pas donné qu’à François Hollande. Traversant une passe difficile, la société de manutention SMART a décidé de se battre pour regagner des parts de marché. Explications des rebondissements de la semaine au port.
Lorsqu’ils apprennent que leur principal client CMA-CGM signe avec le gestionnaire du port de Longoni, Mayotte Channel Gateway (MCG), pour le marché de l’aconage, le sang des salariés et de la direction de la SMART ne fait qu’un tour, et ils décident de ne plus décharger les navires de cette compagnie. L’armateur marseillais s’explique alors auprès de la SMART sur les raisons de ce lâchage, «notamment parce que nous n’avions plus d’autorisation d’occupation temporaire (AOT) sur la zone portuaire», nous explique Arlette Henry, cogérante de SMART.
Une AOT que la société n’a jamais eue, même du temps de la gestion par la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI).
CMA-CGM signe alors la convention de manutention avec Manu Port, récente filiale de MCG, «avant de s’apercevoir qu’il n’avait pas obtenu l’agrément du conseil départemental», propriétaire du port, «et de modifier le contrat au bénéfice de MCG.»
Clause de manutention toujours pas tranchée
Car cette dernière, par la bouche de sa présidente Ida Nel, avance pouvoir être à la fois gestionnaire du port et manutentionnaire en vertu de l’article 4 de la Délégation de service public (DSP). C’est ce point qui est à l’origine du conflit au port, et qui n’a pas vraiment été tranché sur le fond. Mais l’absence d’AOT a incité le tribunal administratif entretemps à ordonner l’expulsion de la SMART.
Pour éviter tout blocage, le préfet était arrivé à obtenir un consensus le 23 décembre en forme de grand écart: la SMART aurait son AOT sur 11.700 m2 et en échange, MCG pourrait effectuer la manutention avec son personnel, mis à disposition par la SMART. Mais l’AOT attendait un conseil portuaire pour être délivré. Problème: alors que la loi les impose semestriellement, cela fait plus d’un an qu’il n’y en a pas eu.
La SMART en position délicate face à CMA-CGM
«Quand nous nous sommes rendus compte que nous n’avions toujours pas l’AOT, nos agents ont décidé de bloquer le quai et les navires de CMA-CGM en guise de protestation», explique Arlette Henry. En réaction, Ida Nel décide de ne pas respecter l’accord du 23 décembre.
Le préfet demande alors la tenue d’un conseil portuaire exceptionnel ce mercredi 27 janvier, sans condition de délai, où agrément et AOT devaient être octroyés. Qui ne se tiendra pas faute de quorum, notamment par l’absence des représentants de MCG et de la CCI. «Nous avons appris qu’Ida Nel a de nouveau déposé un référé pour nous expulser du port», nous apprend Arlette Henry.
Au regard de la situation, la compagnie CMA-CGM a souhaité rencontrer les dirigeants de la SMART, «ils nous ont proposé dans un écrit de signer avec nous une convention de manutention.» Reste à savoir sous quelle condition… La SMART est loin d’être en position de force: elle ne peut signer ce contrat sans AOT, qui devrait lui être délivré par le gestionnaire MCG, après avoir consulté le département. De son côté, le conseil portuaire dont on ne sait de quel côté va balancer la majorité, MCG ou la SMART -l’absence récente de quorum en donne une idée- peut seulement émettre un avis. L’octroi d’un AOT n’est d’ailleurs pas explicitement mentionné aux 7 points de ses prérogatives, selon l’Art 623-1 du Code des Ports.
Alors que CMA-CGM représentait 70% du chiffre d’affaire de la SMART, on peut supposer que, de toute manière, la compagnie de manutention sera touchée.
C’est donc pour minimiser la casse qu’Arlette Henry, Jacques Virin, actionnaire à 40% de la SMART et Gilles Langlois, autre cogérant, vont rencontrer lundi Franck Magarian, vice-président de CMA-CGM à Marseille.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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