Les violences en milieu scolaire se sont multipliées ces derniers jours. Provoquant l’inquiétude des enseignants. La préfecture a organisé une grande rencontre, pour que chacun des acteurs de la sécurité ou de la prévention de la délinquance saisisse son rôle et agisse en fonction.
Coups de chombo au collège de Tsingoni, bagarres dans l’enceinte d’une classe entre élèves sur fonds de règlements de compte au collège de Chiconi, agression à l’école de Cavani Sud… les établissements scolaires sont de nouveau le fait de violences, internes et à proximité.
Ce qui a amené la préfecture à organiser en urgence une grande réunion sur la sécurité et la prévention de la délinquance, ce jeudi au vice-rectorat, en invitant le procureur, la vice-recteur, les forces de police et de gendarmerie, les maires, les renseignements généraux et le département.
Face à ce constat de violence, et l’hospitalisation de deux élèves, les enseignants de Chiconi ont exercé leur droit de retrait depuis le début de la semaine et ont déposé un préavis de grève pour lundi et mercredi prochains.
« Sanctuariser les établissements scolaires »
Un communiqué du syndicat CGT Educ’action tombé aujourd’hui demande d’ailleurs au vice-rectorat des actions concrètes, dont la construction de loges et l’embauche de personnels d’accueil dans les établissements du secondaire, le renforcement des équipes de vie scolaire, « 1 surveillant pour 100 élèves », et 1 CPE par niveau dans chaque établissement, le renforcement de l’équipe mobile de sécurité du Vice-Rectorat avec des personnels qualifiés et recrutés durablement, la création d’équipes de vie dans les écoles du premier degré ou la création d’une cellule académique chargée de la prévention et de l’aide aux établissements.
C’est dans ce sens qu’il faut agir en premier, selon Bruno André, Secrétaire général de la préfecture, qui se confiait à l’issue de la réunion : « Il faut sanctuariser les établissements scolaires, il est inadmissible qu’un jeune y entre avec un couteau. Cela suppose de contrôler les élèves à l’entrée. » Et ce qui implique d’avoir assez de surveillants « à l’intérieur comme à l’extérieur » de l’établissement.
« Mineurs incarcérés »
Pour la vice-recteur Nathalie Costantini, les violences sont montées d’un cran ces derniers temps, et appellent que la communauté scolaire réagisse se serre les coudes : « Chacun doit se sentir concerné en réagissant en s’investissant selon ses fonctions. Certains établissements sont épargnés par cette violence parce que les équipes éducatives se sentent concernées. »
Pour Jean Gouvart, le chef de corps de la gendarmerie, ces violences sont le reflet des maux qui touchent la société : « Les rixes entre villages sont reproduites au sein des établissements scolaires. La solution n’est pas uniquement dans les mains de la justice, pas uniquement dans celles des maires ou du côté du vice-rectorat, mais chacun doit participer à élaborer une solution. »
Une réponse qu’approuve le procureur Joël Garrigue, alors que la justice est régulièrement accusée de laxisme : « A Mayotte, on ne court pas seulement après les délinquants, mais aussi après les témoignages et les victimes pour qu’elles déposent plainte! Ensuite, quand les faits le justifient, les mineurs partent en prison. En 2014, ils étaient 10 en moyenne à être incarcérés, 14 en 2015, et nous commençons l’année 2016 avec déjà 20 mineurs en prison. » Mais ces acteurs de la sécurité ont surtout l’impression de faire partie d’une pièce de théâtre qui se joue depuis très longtemps : « Nous nous heurtons à des rivalités entre jeunes de villages voisins qui ont les mêmes problèmes de vie quotidiennes et qui nourrissent entre eux une haine que personne ne comprend. »
Corriger ses enfants
Pour y voir plus clair, Mohamed Bacar, maire de Tsingoni, rapporte l’idée d’un participant ” de commander une étude sociétale sur ce sujet au département, pour remonter le fil de ces conflits inter villages et étudier la manière de les neutraliser.”
Du côté des maires, la déception se lisait sur les visages : « Nous attendions de vraies solutions ! », glissait l’un d’entre eux. Tout le monde aspire en effet à une société où les délinquants seraient mis hors d’état de nuire, et où chacun pourraient déambuler les mains dans les poches, sans craindre ni pour ses biens, ni pour ses proches.
Cette société, c’est à nous de la construire, déclarait en substance Bruno André qui concluait avec un « Il faut s’y mettre tous ! », convaincu qu’il n’y a pas de clef unique, mais que chacun a sa part : « nous l’Etat, avec la politique de la ville et en réorientant peut-être certaines actions », « les maires dans leur choix de politique de prévention et dans la généralisation de leurs actions à l’ensemble des villages de leur commune, le vice-rectorat en disposant les effectifs adéquats, le département à travers sa politiques sociales. Mais surtout les parents qui doivent retrouver leur autorité. Le procureur a répété aux élus qu’il ne fallait pas hésiter à corriger ses enfants, à eux de le répéter aux habitants de leur commune. » Une nouvelle réunion se tiendra dans les villages de Chiconi et de Tsingoni, indique Bruno André.
Chacun a donc sa part, à chacun de s’en convaincre. Un bon début : les enseignants du collège de Chiconi rencontreront demain les habitants de Chiconi et Ouangani.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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