Des parrains et marraines se penchent actuellement sur le berceau du petit MuMa. Un comité d’honneur, composé notamment d’anciens ministres comme Jean-Jack Queyranne, et Jean-Jacques Aillagon, les anciens parlementaires comme Mansour Kamardine ou Jean-François Hory ainsi que le préfet Robin ou le Grand Cadi, travaille aux côtés du Conseil scientifique*, dont les membres sont des chercheurs de haut niveau, mahorais et non mahorais, en Sciences du langage, pour Mlaïli Condro, en Biologie pour Maoulana Andjilani, ou des Conservateurs en chef du Patrimoine, comme Michel Colardelle, qui le préside.
Le conseil départemental et l’Etat continuent à travailler ensemble sur la feuille de route du MuMa. Après la naissance de la préfiguration dans la caserne de Petite Terre du futur musée en septembre, il faut maintenant en rédiger le projet scientifique et culturel, dernière étape avant la demande du label « Musée de France ». C’est ce qui explique la présence de ces éminents spécialistes sur notre sol mahorais pendant la semaine.
Fuites d’eau
Avant de découvrir les sites patrimoniaux de l’île ce mercredi, comme les vestiges d’usines sucrières, la mosquée de Tsingoni ou la maison de l’artisanat à Sada, ils étaient aux Archives départementales à Kawéni, avec visite guidée par la gardienne du temple, Pauline Gendry, Directrice des Archives départementales de Mayotte.
A travers la visite d’un bâtiment austère, on comprenait les difficultés rencontrées pour maintenir en état les archives : les fuites d’eau, les murs construits en sable marin, donc à durée de vie limitée, tentent d’être atténués par une compartimentation des données et la climatisation à 20° et 55% d’humidité des « magasins », où sont stockés les documents.
Mais aussi, par une équipe de 21 agents qui ont réussi à professionnaliser la collecte d’information avec peu de moyens, et qui leur permet de répondre à un projet régional, « celui de l’iconothèque (bibliothèque d’images classées, ndlr) historique de l’Océan Indien, porté par le conseil départemental de La Réunion, qui va nous amener à y verser des images que nous sommes en train de numériser », rapport la Conservatrice.
Une archive qui brûle, de la mémoire qui part en fumée
Les archives possèdent 7.000 documents, pour un budget d’acquisition de 6.000 euros, « ce qui est plutôt pas mal », défend-elle.
Les « fonds », comprendre les archives acquises, sont plutôt contemporaines : « Les anciens sont conservés ailleurs, notamment aux Archives de l’outre-mer d’Aix-en-Provence. Et nous n’avons pas de documents antérieurs à la période coloniale de 1841. Nous avons par exemple collecté des archives orales en interviewant le descendant d’un ancien sultan. »
Mais les archives contemporaines peuvent être aussi lacunaires : « En 1958, les archives ont suivi avec le transfert de la capitale de Dzaoudzi à Moroni, et ont été brûlées lors de l’indépendance des Comores. » Seules restaient les archives judiciaires, restées au tribunal de Mamoudzou, et les archives fiscales, qui avaient été rapatriées, « mais, volontairement ou pas, elles ont été brûlées à Mayotte lors du mouvement social de 1993. »
Lancement des travaux à la Résidence du gouverneur
Le territoire ne possède pas non plus d’archives foncières, ni de registre d’état civil, « les gens n’allaient pas forcément déclarer les naissances, les cadis prenaient alors un jugement supplétifs, qui permettait de s’assurer de la naissance. » Les documents des 4 tribunaux cadiaux, Tsingoni, Bandrélé, Mtsapéré et Pamandzi, sont déposés aux Archives départementales.
Trop peu de chercheurs viennent encore visiter ces lieux de conservation de la mémoire de l’île, selon Pauline Gendry, et les scolaires devront attendre pour y remettre les pieds, que le chantier de remise aux normes du bâtiment soit lancé, « c’est pourtant un lieu intéressant pour les primaires car l’histoire de Mayotte n’est pas enseignée à l’école. » Les étudiants du CUFR commencent à venir, notamment à la suite de la signature d’une convention de partenariat, et peuvent consulter les productions des Archives : les « Dossiers pédagogiques » ou la revue scientifique Taarifa enrichie des contributeurs locaux, « qui sera dématérialisée sous peu ».
Le Conseil scientifique poursuit sa mission pendant la semaine en abondant le Projet scientifique de leurs échanges et de leurs critiques. On peut compter pour le mener à bien sur Michel Colardelle, qui a mené à son terme le MUCEM de Marseille, « il m’a fallu 15 ans, il faut prendre le temps et surtout porter un projet supportable pour Mayotte et le ministère de la Culture, en demandant un effort de mise à niveau à Mayotte aussi. »
« Le feu vert vient d’ailleurs d’être donné pour des travaux à la résidence du gouverneur de Petite Terre », indique celui dont la 1ère exposition a été inaugurée par André Malraux en 1968.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Liste des membres
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