Trois compagnies aériennes qui augmentent le prix de leurs billets le même jour. Cela s’est produit le 22 janvier dernier. Air France, Corsair et Air Austral faisaient, en même temps, monter le prix de leurs sièges de 20 euros en basse saison et de 30 euros en haute saison dans leur grille tarifaire respective. De quoi soulever des doutes sur une possible entente.
C’est le soupçon relayé par le réunionnais Thierry Robert à la tribune de l’Assemblée nationale lors des questions au gouvernement hier mercredi. Interpellant le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, le député maire de Saint-Leu a mis les pieds dans le plat. «Les trois compagnies reliant La Réunion à l’Hexagone, dont l’une a pour actionnaire l’État à hauteur de plus de 17%, ont récemment décidé, de manière quasi simultanée, d’augmenter leurs tarifs sur la liaison. Ces décisions invitent à s’interroger sur l’entente entre ces compagnies afin de maintenir un certain niveau de prix au détriment des voyageurs.»
Des coïncidences ?
Le député qui indique avoir «du mal à croire aux coïncidences», relève que dans le même temps «d’autres grandes compagnies annoncent des baisses de prix de l’ordre de 15%».
Et Thierry Robert de pointer la surcharge carburant. «Elle est incompréhensible. Mise en place alors que le cours du pétrole montait en flèche, cela était justifié afin de garantir aux compagnies aériennes une relative bonne santé financière. Que le prix du billet ne diminue pas concomitamment à la baisse des cours afin d’écouler les stocks achetés au prix fort, passe encore! Mais alors que les stocks achetés au moment où les cours étaient au plus haut sont épuisés, le maintien de cette surcharge carburant à son niveau le plus haut est inacceptable.»
Une enquête
La surprise est venue de la réponse du ministre de l’économie, Emmanuel Macron, qui a repris une partie des accusations du député. «Nous avons en effet observé des comportements tarifaires qui ne sont pas justifiés (…). La solution ne réside pas dans la suppression de la surcharge carburant, mais dans la fixation des prix. Aujourd’hui, de par la loi, celle-ci est libre entre les compagnies. Les comportements que nous avons observés, les comportements que vous dénoncez, indépendamment de cette surcharge carburant, ne sont pas satisfaisants et semblent indiquer qu’il existe une forme d’entente», a déclaré Emmanuel Macron.
Le ministre des Finances a annoncé deux mesures. Une demande auprès d’Air France dont l’État est actionnaire d’une clarification des pratiques tarifaires, non seulement pour ce qui concerne la desserte de La Réunion, mais également d’autres liaisons.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) va également être saisie pour enquêter au sein des trois compagnies afin d’établir s’il y a eu ou non «une forme d’entente».
Les compagnies confiantes
La réponse des compagnies n’a pas tardé. D’une seule voix, Air France, Corsair et Air Austral ont démenti toute entente tarifaire notamment sur les lignes à destination de la Réunion. Les trois compagnies affirment n’avoir rien à cacher et attendre avec confiance et sérénité l’enquête de la DGCCRF.
Du côté d’Air Austral, la politique a toujours été de coller à ses concurrentes, avec une observation fine du marché, chaque promotion appelant par exemple une réponse. Ces derniers jours, la compagnie avait déjà fait valoir sa position sur la question des prix par la voix de son PDG Marie-Joseph Malé: «Nous n’avons pas initié la hausse des tarifs mais nous l’avons suivie». «Ce qui apparaît choquant, c’est cette apparente contradiction entre des tarifs qui augmentent et un kérosène qui baisse. Mais le carburant n’est pas tout. Il ne représente que 30 % des coûts» et il est facturé en dollar qui est reparti à la hausse.
«Il y a aussi ‘évolution des autres postes. Ces 70% là ne sont pas à la baisse», a fait valoir le PDG. Le coût maintenance (14 à 15%) augmente avec le vieillissement de la flotte, même chose pour l’assistance aéroportuaire et la location des avions (20% des coûts) facturée en dollars.
A qui sera le plus compétitif
Corsair, comme ses concurrentes, réfute toute idée d’entente tarifaire même si elle a elle aussi augmenté ses tarifs. Elle reconnaît être attentive à toute évolution du marché et s’adapter en permanence. «Nous sommes déjà plus compétitifs sur les prix» sur les Paris-Réunion, soulignait Pascal de Izaguirre, PDG de la compagnie du groupe TUI.
Enfin pour Air France, l’augmentation du prix du 22 janvier est la conséquence du bon remplissage des avions. La compagnie souligne qu’elle n’avait plus augmenté ses tarifs structurels depuis 2014 sur cette ligne.
On attend à présent les conclusions du travail de la DGCCRF.
RR
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