«C’est très compliqué de faire des comparaisons avec la métropole… On part de rien». Pas question pour Christian Montès d’utiliser la langue de bois. Alors face aux mécontentements et aux critiques qui pointent les lenteurs du service postal, le directeur régional de La Poste est bien décidé à regarder les problèmes en face pour tenter d’en venir à bout : «Il n’y a pas de fumée sans feu», dit-il clairement.
Première problématique, celle de la distribution. «Il faut comprendre qu’en métropole, le taux de visite des boites à lettres est supérieur à 1. Cela signifie qu’un facteur s’arrête pour mettre au minimum un courrier dans toutes les boites, il connaît sa tournée par cœur. A Mayotte, il y a deux ans, nous en étions à 0,03», explique Christian Montès. Mais les choses évoluent très rapidement. Les prestations sociales, les factures, les relevés bancaires, les impôts… Mayotte avance vers le droit commun et avec ce mouvement, les courriers se multiplient.
«Un de nos problèmes est qu’un facteur part faire sa tournée à l’heure à laquelle il est censé rentrer», constate Christian Montès. Car l’organisation des courriers à distribuer est compliqué par l’absence d’adresse. «Nous avons 22.000 boites à lettres et 7 sur 10 n’ont pas d’adresse, pas de rue, pas de numéro, au mieux le quartier… Et pourtant nous parvenons à distribuer plus de 95% du courrier !»
Les adresses de Mamoudzou et Koungou
La Poste veut venir à bout de ce problème qui se pose aussi aux services de santé comme aux forces de sécurité. La Poste a signé deux conventions, avec Acoua et Mtsamboro. Bientôt, elle compte signer avec Mamoudzou, et Koungou est dans la ligne de mire. «On est des professionnels de l’adresse. On va mettre notre savoir-faire au service des communes avec, par exemple, la mise en place d’une numérotation assez simple, à l’américaine, dont les numéros reposent sur la distance par rapport au début de la rue.»
La Poste veut avoir bouclé ce chantier d’ici au mois d’octobre pour les communes qui auront signé la convention. Avec Koungou et Mamoudzou, plus de la moitié du trafic postal devrait ainsi arriver dans des boites avec une adresse effective et reconnue… facilitant aussi le travail des grands pourvoyeurs de courriers que sont par exemple EDM ou la CSSM.
Attentes et impatiences
Cette question des adresses doit être réglée car l’accroissement de l’activité postale ne se dément pas. Contrairement aux premiers chiffres fournis par l’aéroport de Mayotte au JDM, le fret aérien postal continue de progresser à Pamandzi en 2015 de près de 10% d’une année sur l’autre. Ce sont ainsi près de 800 tonnes postales qui ont été transportées. Les courriers sont toujours plus nombreux mais les colis aussi sont en forte progression et 99% viennent de métropole.
«A Mayotte, le centre de tri, c’est le centre de dédouanement. Chaque colis qui arrive est vérifié et éventuellement taxé». Le problème est la lenteur du processus. La Poste «flashe» les colis qui arrivent à l’aéroport puis à leur entrée en douane et enfin à leur sortie… les clients peuvent donc suivre le processus et avoir des arguments pour s’impatienter. «Il y a beaucoup d’insatisfaction générée par l’attente mais c’est comme ça dans tous les DOM». Selon Christian Montès, «en moyenne, un colissimo met 8 jours pour arriver dans le département auxquels il faut ajouter 10 jours de dédouanement».
Des priorités affichées
Un des points noirs du côté des colis reste ce que La Poste appelle les «colis disjoints», ceux dont la valeur est affichée mais sans qu’un justificatif soit fourni… nécessitant d’envoyer ces documents ou de se présenter, généralement au bureau de Kawéni.
«On progresse fortement mais il suffit de peu de choses pour que la qualité du service se dégrade pendant quelques temps». Car le courrier reste aussi tributaire de l’aérien avec peu de compagnies desservant Mayotte et une priorité donnée aux bagages des passagers au détriment des marchandises et du courrier. «Nous avons le problème de la double insularité, avec du courrier qui passe par La Réunion.»
Mais, confirmant son franc-parler, Christian Montès est clair. Les courriers «économiques» ne seront pas la priorité de la Poste qui se focalise sur les courriers «intérieurs» et les «prioritaires». Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, Mayotte doit accepter d’être encore pour quelques temps «un peu atypique».
RR
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