C’est une affaire d’agression sexuelle impliquant des métropolitains qui était jugée à la barre ce mercredi. En sortant du boulot, ce vendredi 17 juillet 2015, Antoine* part boire un coup dans un bar de la zone Nel. Problème, il n’a pas déjeuné, et de bière en bière, sa route va l’amener au Barakili. D’où il ressort à 2h du matin. Là, le vigile tente de le dissuader de prendre sa voiture et d’appeler un taxi, en vain.
Il préfère diriger ses pas vers un groupe de trois personnes, glisse sa main sous la robe d’une des deux filles et traite de « pute » sa copine. A qui il va porter des coups de poing, taper la tête contre une rambarde et déchirer la robe. Ce sont les policiers de la BAC (Brigade anti-criminalité) qui vont mettre un terme aux violences, et qui vont conseiller aux deux femmes de porter plainte.
Les médecins constatent les traces de violence : hématomes au cuir chevelu, ecchymoses sur les cuisses et un genou, la principale victime bénéficiera de 3 jours d’interruption temporaire de travail (ITT). Lui est entendu par la police qui relève 1,25 mg d’alcool par litre d’air expiré, « soit trois fois la dose autorisée », souligne la procureur.
Outre l’abus de produits toxiques, l’examen psychiatrique révèle une tendance à banaliser les faits liés à l’abus d’alcool, qui désinhibe son comportement. Il faut dire que le prévenu a déjà été condamné pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique à La Réunion le 19 février 2015, ce qui lui avait valu une suspension de permis de 5 mois, soit quasiment jour pour jour au moment des faits…
Employé de la SOGEA Réunion, en mission à Mayotte depuis mars 2015, l’homme fait profil bas. Sa perte de mémoire l’y aide, il ne reconnaît ni les jeunes femmes à la barre, qui lui rappellent le déroulé des faits, ni même s’être rendu au Barakili : « J’ai encore maintenant du mal à me remettre de l’idée d’avoir agressé quelqu’un. J’attendais d’ailleurs le jour de mon jugement avec impatience. Je ne supporte pas l’idée de taper sur une femme ou un enfant. »
Il est séparé de sa compagne qui vit avec leur enfant de 11 ans à La Réunion. Il avoue avoir suivi un « petit traitement » dans un Centre d’addictologie réunionnais.
La « Marche des salopes » invoquée à la barre
Me Simon qui l’assiste se demande pourquoi le copain d’une des filles, présent sur les lieux, n’a pas été entendu, « surtout que le prévenu s’est retrouvé dans la voiture des policiers avec une grosse blessure à la tempe, qui lui vaudra 3 points de suture. Soit disant liée à une chute parce qu’il ne tenait pas debout. » IL n’ira pas plus loin faute de preuve.
La vice-procureur elle, goûte peu l’appellation de « petit traitement » de la part du prévenu. Elle voit à la barre un individu alcoolique qui minimise les faits, et « capable d’agressions sexuelles et de violences. » Elle demandera 4 et 6 mois de prison avec sursis pour chacun des agressions, avec mise à l’épreuve.
L’avocate des victimes, Me Ghaem, livrait une plaidoirie féministe, commençant par rappeler le droit pour une femme de porter une jupe, pour évoquer ensuite l’agression sexuelle mais aussi morale des deux jeunes femmes, et pour conclure sur l’utilité de « La marche des salopes » en Suisse, ces femmes qui dénoncent « le viol et l’injustice. » Elle demande prés de 1.000 euros de réparation de préjudice pour chacune des deux femmes, « dont le remboursement de 300 euros de la robe » et préconise un travail d’intérêt général à l’ACFAV**.
Entre ACFAV et judokas
Une suggestion qui fait bondir Me Simon qui prendra une posture à l’exact opposé, dénonçant un statut de victime programmé chez certaines femmes : « Arrêtons de faire un lien permanent entre le statut des femmes et celui de victime ! »
Il pousse même jusqu’à envisager la défense de la gente masculine, « qui se fait toucher le sexe dans certains bars, par des filles qui veulent aboutir plus vite et passer une nuit à la clim. On ne dépose pas plainte pour autant ! » Il déplore que les deux filles n’aient pas uni leur force pour se défendre, « et lui balancer un coup de pied dans les parties génitales ». Plus facile à dire qu’à faire. Quant à la robe, « même si la seule que j’ai jamais achetée, c’est celle que je porte, je demande d’écarter la facture. »
Le prévenu adressait ses excuses aux deux victimes en se tournant vers elles, « je suis de votre côté, pour la défense de la condition féminine », dira-t-il. Ce qui ne suffira pas à attendrir les trois juges qui le condamneront à 4 mois de prison avec sursis et 500 euros d’amende.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* prénom d’emprunt
** Association pour la condition féminine et l’aide aux victimes
Comments are closed.