Ne pas reproduire les erreurs commises ailleurs. Lancer de très nombreuses politiques bien après la métropole et les autres DOM, cela devrait nous éviter d’aller dans des directions qui peuvent parfois coûter si cher par la suite. C’est le cas en matière de transport. C’est évidemment le cas pour la politique de logement.
Mayotte est actuellement dans une situation particulière, et assez unique à l’échelle nationale: l’urbanisation est en cours de réalisation. Hormis les quartiers de bangas, il est difficile aujourd’hui de définir précisément des quartiers «riches» et résidentiels, de zones plus populaires. D’où l’importance d’aborder les outils dont notre département se dote avec une certaine intelligence. Le Frafu dont le JDM vous annonçait la signature vendredi dernier, va permettre de faciliter la mise en place d’une véritable production de logements sociaux.
En effet, ce fonds permet d’additionner les moyens de l’Etat, de l’Europe et du département, pour réserver du foncier et réaliser les aménagements de voiries et d’assainissement. Ce Frafu finance une partie des déficits inévitables dans les opérations de logements sociaux.
La DEAL, qui pilote la création de ce fonds avec le département, prend l’exemple de La Réunion où des milliers de logements sont sortis de terre grâce à ce fonds.
Oublier l’humain
Problème : l’outil a eu tendance à faire oublier l’essentiel, et l’urgence de construire n’a pas permis de regarder en face les problèmes qui s’annonçaient. Sur la ZAC Fayard, à Saint-André dans l’est de La Réunion, par exemple, on en sait quelque chose. «On a construit des immeubles en oubliant les gens», résume un riverain.
Ici, les échauffourées se sont multipliées depuis 8 mois. Le quartier est considéré comme le «plus moderne» de la ville, mais c’est aussi celui qui a la plus mauvaise réputation.
Dans la zone, il n’y avait que des champs, il y a quelques années. Et très rapidement, grâce aux outils à disposition des acteurs réunionnais du bâtiment, près de 800 logements sociaux sont sortis de terre.
Ces réalisations ont été annoncées avec fierté jusqu’à ce que l’évidence s’impose : il s’agit surtout d’un record de concentration. Une sorte de «ghetto» social architecturalement réussi. Exit la mixité. Si près de 400 propriétaires privés sont installés à proximité, chacun vit dans son monde, séparé par une sorte de mur imaginaire qui n’arrive plus à contenir les crises et les tensions, en particulier communautaires, entre les habitants d’origine mahoraise et créole.
Une situation qui se reproduit un peu partout
A Saint-André, on parle aussi des carences éducatives, des retards dans les infrastructures pour les jeunes… Les habitants dressent toujours le même tableau tout en ne voulant pas trop le noircir.
Et la situation se reproduit un peu partout, sans pour autant faire la Une des médias. La semaine dernière, par exemple, dans la ville du Port (au nord-ouest de La Réunion), des pompiers se sont fait caillasser avant que les tensions ne s’apaisent avant de tourner en «mini» émeute.
Ce genre de crises n’est évidemment pas sans rappeler ce que nous connaissons déjà à Mayotte et que des choix urbanistiques pourraient contribuer à perpétuer, si la mixité sociale n’est pas érigée en règle dans nos villes en construction.
A Saint-André, certains veulent une salle de jeux pour les jeunes, une salle de sport ou… du travail. Une crèche a déjà ouvert ses portes ainsi qu’un pôle de services, des actions de « parentalité » sont proposées, une association accompagne les jeunes vers des parcours d’insertion, la police municipale va s’installer…
Les futures ZAC, futurs ghettos ?
Mais au-delà des infrastructures, c’est la mise en place d’un véritable «dialogue» qui doit venir corriger les erreurs d’urbanisme. Le créneau de l’ASSOI (association économie sociale et solidaire océan Indien) veut ramener du «vivre ensemble» dans le quartier avec six médiateurs en contrats d’avenir qui arpentent ses rues depuis le mois de novembre à la rencontre des habitants, pour signaler ce qui va ou pas… comme les phénomènes de bandes, qui là encore, ne sont pas sans faire écho à ce qui se passe déjà dans certains de nos villages.
Alors qu’à Mayotte, on nous promet des dizaines voire des centaines de logements sociaux construits chaque année, il convient donc de bien réfléchir en lançant les opérations. La ZAC Hamaha Soleil levant sur les hauts de Kawéni réorientée en 100% vers des logements sociaux mérite peut-être, par exemple, d’être questionnée. Ne va-t-on pas y réaliser notre premier ghetto en dur?
RR
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