Les enfants placés en centre de rétention administrative ont-ils les mêmes droits, selon que ce CRA est situé à l’aéroport parisien de Roissy sous le regard de tous les médias nationaux, ou à Mayotte avec pour seuls spectateurs quelques associatifs et avocats? La question mérite d’être posée tant les cas de mineurs, parfois très jeunes, semblent être traités par l’administration et la justice françaises avec une froideur assez déconcertante dans notre département.
Voici donc l’histoire d’un petit garçon de 5 ans, originaire d’Anjouan, qui s’est retrouvé à la barre du tribunal administratif avec l’obligation de démontrer que ses parents se trouvaient bien sur le sol de Mayotte… Le jeu est bien peu habituel pour un enfant de cet âge. D’autant que les conséquences dépassent très largement celle d’une simple marelle : si tu perds, tu repars aux Comores en bateau.
L’histoire démarre donc il y a une douzaine de jours, mercredi 23 mars, quasiment en même temps que l’arrivée du petit Comorien à Roissy.
L’avocate Marjane Ghaem est contactée pour une affaire pour le moins étrange concernant le sort de deux mineurs retenus au CRA de Petite Terre, après une interception de kwassa. Leur mère est arrivée deux semaines plus tôt à Mayotte et a déposé une demande d’asile. Les services de la préfecture auraient alors mis en balance la situation administrative de la femme avec celles des enfants.
La situation est parfaitement illégale, le sort des enfants ne devant en aucun cas être lié au statut de leurs parents. L’avocate saisit le tribunal administratif, parvient à faire sortir les enfants pour assister à l’audience et obtient qu’ils soient finalement confiés à leur mère.
Se donner le temps pour une enquête
Problème : les procès-verbaux d’OQTF (obligation de quitter le territoire français) ne concernaient pas 2 mais 3 mineurs. Le sort d’un autre enfant est donc posé et l’avocate décide de saisir le juge des référés également pour éviter son expulsion.
C’est là que commence la galère de notre petit Comorien âgé de 5 ans. D’un côté, la parole de l’adulte qui l’accompagne. Il affirme que c’est la grand-mère du petit qui lui a confié l’enfant pour le voyage en vue de le remette à ses parents, tous les deux à Mayotte. De l’autre, le tribunal administratif qui ne dispose d’aucun élément prouvant que l’enfant va effectivement être accueilli ici… ni, cependant qu’il serait pris en charge lors d’un éventuel son retour aux Comores.
Il aurait donc fallu que le tribunal se donne le temps, pour sortir de la procédure d’urgence et rechercher les parents du mineur, en le plaçant momentanément dans une famille d’accueil. Ce temps, la justice ne se l’est pas donné. Et le jeudi 25 avril, du haut de ses 5 ans, le petit garçon a bel et bien été expulsé. Il a fait le voyage retour en bateau, certes plus confortable et sécurisé qu’à l’aller, vers Anjouan. Sans avoir vu ses parents.
Le lendemain, la mère, prévenue de la situation s’est signalée et a contacté l’avocate. Il était trop tard.
Des comptes à rendre
Me Ghaem compte lancer un recours devant le Conseil d’Etat pour annuler la décision du tribunal administratif de Mayotte. Elle indique aussi vouloir saisir le défenseur des droits. L’association Anafé, très active dans le dossier de Roissy, avait deux de ses membres en mission à Mayotte lors de l’audience. Elle pourrait aussi s’activer sur ce dossier.
Mais au-delà de ces dossiers individuels, tous ceux qui ont un rapport à l’Histoire qui interroge le long terme, ne peuvent s’empêcher de croire qu’un tel comportement d’une nation à l’égard de jeunes enfants aura de lointaines répercutions. Sans nul doute, la France aura un jour des comptes à rendre sur ce dont nous sommes témoins au quotidien et qui pourrait probablement être évité, avec un tout petit plus d’humanité.
RR
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