«La grève générale dégénère en violences urbaines», annonce en titre le journal Le Parisien. Ce sont les saccages de véhicules qui ont marqué nos confrères qui ont interrogé Rivo Rakotondravelo, le secrétaire départemental SNUipp-FSU: «On est sorti pour constater les dégâts, notamment des gros cailloux lancés sur les véhicules, et certains d’entre nous n’avaient que leurs yeux pour pleurer, c’est l’impuissance de notre part et aussi de la part des forces de l’ordre, on ne sait pas comment sortir de cette situation».
Le journal pointe le «manque d’encadrement des jeunes à Mayotte»: «Un élève en école élémentaire en métropole représente 7.400 euros (ndlr : d’investissement par l’Etat). A Mayotte, on est à 4.300 euros. Voilà l’injustice», affirme Rivo Rakotondravelo dans les colonnes du quotidien.
Le journal évoque également la réaction d’Alain Juppé, qui s’est rendu dans notre île en décembre dernier. Il demande «au gouvernement d’assumer ses responsabilités».
«Grève générale, bandes cagoulées, véhicules blindés… Mais que se passe-t-il à Mayotte?» se demande France télévision. «Une île ‘paralysée tous les jours’, et sa capitale, Mamoudzou, transformée en ‘ville fantôme’. Délégué syndical CGT à Mayotte, Moursali Aboudou l’assure : un vent d’insurrection souffle sur le 101e département français», expliquent nos confrères qui notent que «sur place, le mouvement peut compter sur le soutien de plusieurs élus. Parmi eux, le président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani, et le député apparenté PS de la 1re circonscription, Boinali Saïd. Selon Moursali Aboudou, les deux élus ont accompagné une délégation syndicale à la préfecture, le 4 avril, mais ils n’ont pas été entendus.»
France TV a relevé des nuances dans le soutien de la population avec des «réactions d’agacement (qui) sont nombreuses sur les réseaux sociaux. Beaucoup d’insulaires redoutent notamment une pénurie de nourriture à cause des difficultés de ravitaillement des grandes surfaces. A la faveur d’un arrêt temporaire de la grève, dimanche, celles-ci ont été prises d’assaut.»
Là encore, les scènes de «guérilla urbaine» sont relatées. «Face au risque d’une escalade de la violence, la police et la gendarmerie ont engagé des blindés. Un hélicoptère effectue des patrouilles. Mardi matin, le rectorat a pris une mesure de confinement des élèves dans les écoles encore ouvertes, en attendant que la situation s’apaise.
Quant aux syndicats, ils craignent désormais l’amalgame entre leurs revendications et ces violences sans réelles motivations», indique France TV.
Le souvenir de 2011
Pour Libération, Mayotte est «une île au bord de l’insurrection». «Cinq ans après être devenue département français, l’île est paralysée par une grève générale depuis le 30 mars. En marge du mouvement, des bandes de casseurs sèment la terreur parmi la population».
«Blocage des axes principaux, pénurie dans les supermarchés, salariés au chômage technique… Depuis deux semaines, Mayotte vit au rythme de la grève générale», explique le journal. «Chaque jour dès l’aube, les syndicalistes érigent de multiples barrages sur la route principale, le seul axe qui relie les différentes communes du département. Les habitants se trouvent coincés, incapables de se déplacer ou d’aller travailler.»
Alors le quotidien note que «le souvenir de la grève générale de 2011 et de ses terribles pénuries plane encore aujourd’hui», c’est l’économie locale «déjà fragile» qui «menace quant à elle de s’effondrer. Les entreprises sont contraintes de réduire ou de suspendre leurs activités. ‘Notre chiffre d’affaires a baissé de 80% depuis le début de la grève’, déplore Ben Adballah, dirigeant d’une société de BTP» chez nos confrères.
En plus des casseurs, Libé indique que «plusieurs personnes ont été poignardées. Un homme gravement blessé a été évacué d’urgence à La Réunion. Une autre victime a été hospitalisée ce lundi. Le jeune homme a été attaqué à la tronçonneuse. Blessé à la tête et au bras, il affirme que ses assaillants ont voulu lui couper la tête.»
Rappelant que Mayotte doit faire face à une immigration clandestine conséquente, le journal relaie l’initiative du «collectif des citoyens» qui avait adressé une pétition à l’Elysée «pour réclamer des mesures d’urgence et une prise de conscience nationale sur la situation économique et sociale».
«Tout le monde s’en fout»
Pour avoir une vision plus personnelle, le journal de Clermont-Ferrand La Montagne a recueilli le témoignage d’une Puy-dômoise sur place. Âgée de 27 ans, elle est enseignante depuis deux ans à Mayotte.
Elle évoque une situation «critique», un terme repris d’ailleurs par la vice-recteur: «Dernièrement, un élève s’est fait casser le bras sur le parking du lycée par des enfants de 8 à 14 ans. En métropole, nos collègues auraient arrêté de faire cours depuis longtemps, mais ici ça devient notre quotidien…» explique-t-elle.
Et pour faire comprendre la situation sur le front de la sécurité, elle établit une comparaison qui parle aux métropolitains: «Il faut imaginer une ville comme Clermont-Ferrand où la sécurité ne serait assurée que par 24 policiers. On ne se sent plus protégé.»
Au final, elle confie sa désillusion: «Il y a tout ça et pourtant on a l’impression que tout le monde s’en fout. J’adore Mayotte, mais c’est en ce moment un mélange entre paradis et enfer.»
RR
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