C’est pendant un déjeuner de presse que le préfet Seymour Morsy a fait cette annonce : « Les enfants doivent retourner à l’école et les étudiants en cours. Les syndicats ont indiqué qu’ils étaient prêts à discuter, ils seront d’ailleurs reçus à Paris demain, il faut donc débloquer les voies». Le préfet se disait bien évidemment favorable au droit de grève, et malgré l’état d’urgence, « mais pas au blocage. Les entreprises ont perdu un million de chiffre d’affaires depuis la semaine dernière. »
Pourquoi n’a-t-il pas donné cet ordre avant ? C’est toute la question, et même un des nœuds du problèmes mahorais. Seymour Morsy commence par dire qu’il faut « entendre et tolérer », en premier lieu, puis par confier, « ici, on ne sait pas quand une situation va dégénérer. »
Et quand on évoque la guérilla qui a sévi dans le quartier de Mtsapéré-Doujani le week-end dernier, des images de hordes d’enfants cagoulés qui ont fait le tour du pays, au point d’attirer la presse nationale sur l’île, il explique tout d’abord qu’il n’était pas sur le territoire, rejoignant l’annonce de la ministre Pau-Langevin qui mettait en parallèle son retour avec le retour de l’ordre public. Des violences qui ont quand même duré trois nuits, « mais en 2011, on a reproché un type d’intervention inadapté au pays », se défend-il. Sauf qu’il s’agissait en 2011 d’une évacuation de grévistes manu militari du rond-point de SFR dès le 1er jour, et non de scènes de terreur conduites par des enfants. Il insinuait d’ailleurs que ces violences pouvaient faire le jeu des syndicalistes.
La situation de Doujani sous-estimée ?
S’il y avait une répétition de ce genre de violences, le préfet de Mayotte assure que les effectifs seront suffisants, revenant sur les 16 gendarmes mobiles et les 42 PAF de Manuel Valls, il rappelle qu’un peloton d’intervention de 30 militaires et d’une brigade de 12 promis par Bernard Cazeneuve est attendu cet été.
Face au dénuement dans lequel ils étaient plongés, une partie des 40 propriétaires de voitures caillassées à Doujani ont décidé de déposer plainte contre le préfet, « nous sommes dans un état de droit, et ça ne m’inquiète pas. On va certainement vérifier si la situation a été mal ou sous estimée, mais je privilégie avant tout la capacité des gens à faire la part des choses », explique le représentant de l’Etat. Mais il s’agissait d’une situation de crise et l’Etat doit avant tout garantir la sécurité des citoyens.
D’autre part, en donnant à la population une maturité qu’elle n’a pas encore pour réguler les violences, l’adulte ayant perdu son ascendant sur l’enfant, il place la barre haut, tout en portant quelques secondes après une vision juste : « Mayotte est en train de construire les outils de sa propre compréhension. »
Une « impatience générale », plutôt qu’une grève
Pendant ce temps, la situation ne se calme pas sur l’île, puisque l’équipe de gendarmes qui sécurisait le camion d’approvisionnement en carburant de la station de Chirongui, s’est faite agresser vers 15h30 en traversant Bandrélé, nécessitant l’usage de grenades lacrymogènes. Des gendarmes épuisés, malgré le renfort renfort de 16 mobiles réunionnais, après que le rond point de Longoni ait été à nouveau bloqué cet après-midi, « dès que nous quittons un endroit, il est repris », explique le colonel Gouvart.
Les syndicalistes peuvent frapper à sa porte, explique-t-il, et sur le mépris affiché par le mur de plexiglas, Seymour Morsy explique que l’objectif des syndicalistes ce jour là était de bloquer le rond-point SFR, ce qu’ont refusé les élus, « ils sont donc arrivés devant la préfecture sans même demander à me rencontrer, ce que j’aurais fait. »
Il ne parle pas de grève générale mais « d’impatience générale », traduisant l’incertaine adhésion au mouvement, et n’y voit aucune revendication illégitime, « il faut savoir si oui ou non on est un département français, alors que notre revenu médian est l’équivalent d’un quartier les plus difficiles de métropole, comme celui de la Grande Borne à Grigny. » (logements sociaux en Région parisienne)
Le préfet a compris que les Mahorais ont besoin d’avoir un échéancier précis des programmations pour le territoire.
On espère que les cabinets interministériels seront aussi rassurant demain vendredi lors de la rencontre avec les syndicalistes à Paris, et que des propositions concrètes seront faites sur la partie des revendications qui sont tenables.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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