Nous sommes de nouveau à la croisée de deux cheminements historiques: celui du laisser-aller, laisser-faire, laisser-loger, contre celui de la dégradation des lieux de vie et des espaces naturels.
Depuis des semaines que Mayotte abrite les «décasages», ces délogements sauvages, personne n’a encore vraiment trouvé la solution à cette problématique : aider les personnes qui ont fait depuis des années leur vie ici, mais qui se sont installées illégalement sur un terrain, à trouver une solution.
«Quand les procédures ne prennent pas des années, ce sont les services de l’Etat qui ne font pas appliquer les décisions de justice», rapporte Soulaimana Boura. Qui prend l’exemple d’un terrain appartenant à la famille Navi à Dzoumogné: «L’ordonnance d’expulsion était assortie de pénalités qui n’ont jamais été appliquées. La DEAL est passée pourtant. Monsieur Navi vient tous les jours à la mairie pour me solliciter, mais je ne peux pas venir de moi-même avec des tractopelles.»
« Des habitants vont finir par être emportés par les eaux »
On ne peut apparemment pas suspecter Soulaimana Boura de ne pas prendre ses responsabilités, ou de favoritisme, « j’ai dû détruire la maison de ma cousine, et jeter du sable appartenant à ma mère. »
Mais là où ça se gâte vraiment, c’est lorsque des habitations en dur ont été construites sur la ravine de Dzoumogné : « Il y a eu des pluies violentes cette année, des voitures ont été emportées, il aurait pu y avoir un mort. Je préfère me dégager de toute responsabilité si on laisse ces maisons construites dans le lit mineur de la rivière. Ils vont finir par être emportés. » Il affirme avoir écrit à la préfecture l’année dernière. Sans réponse.
Des habitations illégales qui malmènent la politique de logements de la commune, explique-t-il : « Notre programme Dzoumogné III de 150 logements sociaux est retardé par 4 habitations dont on a obtenu l’éviction de principe par les autorités judiciaires. La confirmation écrite devrait suivre. Et le problème se répète sur la résorption de l’habitat insalubre à Handrema, « l’étude préalable est terminée, et se conclut sur le départ de ces habitants. Et nous n’avons pas d’alternative pour les loger… »
Bâties en un week-end
Il demande en réalité un allègement de la législation, mais difficile à obtenir car elle est protectrice des droits de chacun : « Etant donné que tous les jours des gens arrivent et construisent, on demande l’autorisation de démolir. Dès qu’un lit est installé entre quatre tôle, nous n’avons plus le droit d’y toucher. » La police municipale joue cahin-caha son rôle dissuasif lorsque les premiers piquets sont plantés, « mais la plupart du temps, elles sont construites du samedi au dimanche. »
Une problématique à multiplier par 17, du nombre de mairies sur le territoire, et pour laquelle il faut donner en urgence un cadre strict qui satisfasse tout le monde, sous peine de revoir naître les opérations « décasages » à l’issue du ramadan, ou même avant, et en catimini.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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