Penser le futur en gérant un présent fait de colmatages et de bricolages pour parer au plus pressé. C’est le drôle d’exercice auquel se livre le gouvernement en matière de santé à Mayotte. D’un côté, il a prolongé le recours à la réserve sanitaire. C’était malheureusement presque devenu une coutume à chaque début de grandes vacances. Une quarantaine de professionnels sont mobiliser pour faire face aux départs en vacances des personnels du CHM qui ne se trouve plus en nombre suffisant pour faire face à l’activité qui, elle, ne diminue pas.
Mais cette année, cette réserve a été mobilisée dès le 27 avril avant d’être prolongée. Certes, la raison évoquée est toujours la même. Il s’agit des «fortes tensions dans le secteur de l’obstétrique, dans les services de néonatologie et gynécologie-obstétrique du centre hospitalier de Mayotte (CHM)». Mais en réalité, c’est la succession d’actualités lourdes chez nous, relayées en métropole, qui a eu un effet direct sur l’attractivité des postes de l’hôpital. Mouvement social, émeutes urbaines, insécurité, décasages… l’impact sur l’image de Mayotte a été terrible et immédiat, éloignant un peu plus des professionnels qui pouvaient venir (ou continuer à) exercer dans notre département.
Pourtant, il ne faut pas s’y tromper: comme son nom l’indique, cette réserve n’est activée ailleurs que dans des cas d’urgence particulière et non pour faire fonctionner un système de santé au quotidien. Les Antilles-Guyane en ont bénéficié lors de l’épidémie de Zika. Au nord de la métropole, elle a été mobilisée lors de la crise des migrants…
Prendre de la hauteur pour voir le long terme
C’est dans ce contexte de crise que l’Agence régionale de santé a annoncé sa stratégie de santé pour les années à venir en Outre-mer, avec une feuille de route spécifique pour La Réunion et Mayotte jusqu’en 2023.
La volonté est «d’apporter des réponses aux besoins spécifiques de ces territoires et dans un souci d’égal accès aux soins».
Ce document se présente sous la forme de 5 axes stratégiques déclinés en 22 objectifs opérationnels mais aussi avec des actions prioritaires à engager dès maintenant ou à poursuivre. La ministre de la Santé entend ainsi apporter une réponse à la demande des parlementaires ultramarins exprimée lors des débats sur la loi de modernisation de notre système de santé. Il s’appuie aussi sur les conclusions des conférences de santé et de l’autonomie, animées depuis août 2015 par Chantal de Singly, l’ancienne directrice de l’ARS océan Indien.
L’offre de soin à Mayotte au centre des préoccupations
Pour certaines thématiques, les programmes déjà engagés sont réaffirmés, notamment la lutte contre le diabète, la création de nouveaux services pour les personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie, le soutien budgétaire à la modernisation des établissements de santé. Le développement de l’offre de soins à Mayotte est également réaffirmé.
Ainsi, la priorité sera donnée à l’amélioration de la santé de la mère et de l’enfant, à la prévention du diabète et de ses complications, et à l’amélioration de la prise en charge du cancer. A matière de veille et de gestion des risques, l’ARS se focalise sur l’amélioration de l’accès à l’eau potable ou la lutte contre les maladies liées aux moustiques.
Un plan d’action pour Mayotte
Sur la question de l’autonomie, l’ARS prévoit la création de services innovants pourra bénéficier d’un fonds national de 20 millions d’euros pour répondre aux retards en matière de prise en charge des personnes en situation de handicaps et des aînés.
L’Agence annonce aussi que «l’attractivité des professions de santé sera soutenue, notamment par le développement des formations médicales et leur meilleure accessibilité pour les Réunionnais et Mahorais». Un plan d’action est spécifiquement retenu pour Mayotte pour développer l’offre de soins de premier recours, la périnatalité, la chirurgie, la cancérologie, et le traitement de l’insuffisance rénale chronique.
Enfin pour réduire les inégalités d’accès aux soins (géographiques et financières) et améliorer les prises en charge, «des engagements sont réaffirmés sur l’extension de la couverture complémentaire santé à Mayotte.» L’ARS veut également sécuriser les transferts sanitaires, depuis Mayotte ou La Réunion.
La volonté semble réelle de permettre à notre département de rattraper ses nombreux retards. Mais elle risque de se heurter, pour longtemps, à la réalité de la vie actuelle de notre système de santé qui ne parvient plus à attirer puis à garder ses professionnels. Ce n’est pourtant qu’avec eux que tout peut être fait, ceux qui choisissent de venir exercer durablement chez nous, et non les membres de la réserve sanitaire, malheureusement appelés en urgence pour venir combler les manques.
RR
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