Fermer temporairement la pêche aux poulpes pour retrouver des prélèvements plus abondants. C’est un projet inédit à Mayotte qui débute ce dimanche 18 septembre dans le sud. A Mbouanatsa, entre Kani-Kéli et Mzouazia, les habitants, les élus, les pêcheurs et le Parc naturel marin de Mayotte tentent une expérience qui va durer trois mois. Pendant cette période, la pêche ne sera plus autorisée sur une partie du platier ce qui devrait permettre «le renouvellement de la biodiversité», notamment celui des poulpes.
Car les populations de ces petites pieuvres, très appréciées en cuisine, évoluent de façon particulièrement inquiétante. Depuis 2012, le Parc naturel marin mène régulièrement des suivis de la pêche à pied et tous les pêcheurs du département font le même constat: les poulpes sont toujours moins nombreux et d’une taille toujours plus réduite.
Avant que cette ressource ne disparaisse de nos eaux, il devenait urgent de réfléchir à une pêche durable. C’est ainsi que le Parc a proposé aux communes de Bouéni et de Mtsamboro de travailler avec les pêcheurs à pied sur la mise en place de fermetures temporaires pour la pêche aux poulpes.
Les pêcheurs décident
Pendant une période de l’année, à l’image de ce qui se passe dans les forêts de métropole où la chasse vient d’être ouverte pour quelques mois, il ne serait plus possible de pêcher sur une petite partie de notre littoral.
Pas question pour autant d’imposer une mesure qui ne serait pas comprise car elle vise un double objectif: protéger la nature mais aussi perpétuer des pratiques de pêches très anciennes. Ces fermetures temporaires ont donc vocation à être gérées collectivement par les villageois, d’où un travail d’information initié par le Parc et les responsables des communes depuis 2015.
Plusieurs dizaines de réunions ont rassemblé les habitants, des associations et des élus pour expliquer la démarche et convaincre de la responsabilité de chacun dans la réussite du projet. Ces rencontres ont permis de délimiter, avec les pêcheuses, la zone adéquate pour une fermeture temporaire. Et tous espèrent que la mesure sera respectée car ces réunions ont aussi permis de mettre des mots sur des pratiques peu scrupuleuses qui visent particulièrement certains pêcheurs occasionnels et/ou illégaux. Le Parc indique ainsi qu’une «stratégie de surveillance adaptée» a été imaginée.
Le succès malgache
Pour savoir si l’opération sera un succès, il est nécessaire d’avoir une bonne connaissance des populations de poulpes dans les zones concernées. Ainsi, un état initial de la ressource a été réalisé en 2014 sur les deux sites retenus, Mbouanatsa et Mtsahara, et sur un site témoin, Bandrélé. Depuis, des comptages sont réalisés environ tous les trois mois, et il y en aura un à la veille de la fermeture et un à la réouverture.
Mais il n’y a pas de raison que ces nouvelles pratiques ne soient pas bénéfiques car si c’est une première à Mayotte, ailleurs, ça fonctionne! Le Parc indique par exemple que l’ONG britannique «Blue Ventures» accompagne de nombreux projets de fermetures temporaires dans le sud-ouest de Madagascar.
Un réseau de pêcheurs de l’océan Indien
L’association a d’ailleurs été associée à la transposition de cette pêche durable chez nous. Des pêcheurs de Bouéni ont même pu rencontrer leurs homologues malgaches. Le Parc indique qu’ils ont pu «assister à la journée d’ouverture» de la pêche au poulpe dans les zones réglementée et ils «en ont constaté la réussite».
Les Mahorais ont également pu échanger avec des délégations du Mozambique, de Zanzibar (Tanzanie), du Kenya, des îles Lakshadweep (Inde), du Belize et d’Indonésie venues présenter et échanger autour de projets similaires. Les pêcheurs de Mayotte vont ainsi intégrer un réseau qui permettra à l’avenir de comparer les résultats et de se conseiller mutuellement pour améliorer l’efficacité des projets.
Une fête du poulpe
A Mbouanatsa, le balisage de la zone provisoirement fermée débutera ce dimanche à 9 heures et sera suivie d’une fête du poulpe autour de préparations culinaires locales. La réouverture du site est prévue pour le 15 décembre avec, les pêcheuses l’espèrent, des «pêches miraculeuses» comme ce fut le cas dans plusieurs pays de la région océan Indien qui ont déjà mis en place ces pratiques.
Et après le sud, ce devrait donc être une partie des platiers à Mtsahara qui pourraient suivre l’exemple. Les réunions se poursuivent pour ce second site pilote avec une possible mise en place de la fermeture temporaire début 2017.
RR
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