Le sous-préfet Guy Fitzer a voulu mettre en évidence les projets qui ont abouti dans les communes grâce à la politique de la ville. Il s’agissait donc d’aller au concret, après avoir écouté les engagements des acteurs que sont l’Etat en premier lieu, et les collectivités, « les deux pierres angulaires de la politique de la ville », soulignait Issa Issa Abdou, 4ème VP du département, qui précisait que des axes du budget départemental 2017 seraient dédiés à la politique de la ville.
La politique de la ville à Mayotte, c’est plutôt la politique des villages, en dehors de Mamoudzou. Elle est mise en place par les pouvoirs publics pour revaloriser les zones urbaines en difficulté et réduire les inégalités entre les quartiers. Ceux qui en parlent le mieux sont donc les maires, par le biais du président de leur Association, Saïd Omar Oili, qui rappelait l’évolution de ce secteur, « délaissé par le passé » : « De la nomination du premier ministre de la Ville dans les années 80, la politique de la Ville est devenue un sujet majeur pour l’Etat qui a mis en place l’ANRU dans les années 90, puis le zonage de quartiers prioritaires. »
L’époque où les communes avaient décroché semble révolue à Mayotte, et toutes ont compris l’intérêt de bénéficier de cet appui en signant 17 Contrats de ville. « Mais ce n’est pas une subvention », met en garde Saïd Omar Oili, certains maire se plaignant de ne pas en bénéficier, « la commune doit porter le projet et cofinancer. C’est un multi partenariat » Une culture à maîtriser donc.
Impliquer les habitants
Le premier exemple vient justement du fief de Saïd Omar Oili : « A cheval sur nos deux communes de Petite Terre, les habitants de la Vigie se plaignaient d’être délaissés. L’Etat par le biais du Commissariat Général à l’égalité des territoires* a permis à notre Intercommunalité de signer un contrat de ville pour lequel une politique d’insertion professionnelle, un enlèvement quotidien des ordures ménagères, ou une offre éducative spécifique ont été mis en place dans ce quartier. »
A travers les 17 communes de Mayotte, ce sont 36 quartiers classés en « géographie prioritaire** ». Il faut d’ailleurs souligner, la multiplicités des dispositifs et leur changement de nom qui rajoute de la complexité à une administration déjà millefeuille.
Dans son discours, Guy Fitzer s’adresse à tous, présidents et bénévoles d’association, juges, politiques, « tous acteurs de la politique de la ville. » Et adresse ses recommandations aux maires, « nos interlocuteurs de référence en tant que présidents du Comité de programmation de la politique de la ville », à qui il demande d’utiliser tout le panel à leur disposition : « Commencez par mobiliser les dispositifs de droit commun avant d’engager le budget de la politique de la ville, car elle ne peut à elle seule corriger toutes les inégalités. Il faut surtout impliquer les habitants pour enraciner vos politiques. » Il glissait une petite autocritique sur les rigidités administratives du traitement des dossiers.
Transformation de Kawéni
Le budget pour 2016 sera 3 millions d’euros, à la fois sur la politique de la Ville et le Fonds de prévention de la délinquance (FIPD) répartis sur 300 actions, « avec un effet de levier estimé à 3 ou 4 fois ces budgets », en intégrant les partenariats et la participation des collectivités.
De Mtsamboro à Kani Keli, toutes les communes ont bénéficié de ces dispositifs de politique de la Ville : les Adultes relai, les médiateurs Peps, les Diagnostics santé, la création d’une pépinière associative, l’atelier radio à Chiconi, la formation de dirigeants associatifs et BAFA, l’accompagnement scolaire, etc.
Une de ses concrétisations les plus emblématiques, c’est l’amorçage des travaux de rénovation des quartiers éligibles à l’ANRU. Nous avions évoqué celui de Majicavo Dubaï à Koungou, ce vendredi était présenté celui du village de Kawéni, par la directrice de Projet de Rénovation Urbaine, Stéphanie Boudard. Le projet est lancé puisque le protocole de préfiguration a été signé en juin dernier, « nous travaillons sur les premières orientations, dont la Maison du projet dans Kawéni village, et nous allons habiller les murs de panneaux pour provoquer les échanges avec les habitants. »
Les maisons en auto-construction
Compliqué à Kawéni où tant de jeunes sont en errance, « nous sommes associés à la réflexion », précise Hafar-Eddine Ali Mohamed, dit « Rasta », co-initiateur du village de bangas, construit avec les jeunes pour les occuper, opération qui a grandement pacifié le quartier, il espère que le dialogue sera poursuivi.
L’objectif principal est d’éradiquer l’insalubrité, et donc d’accroitre l’offre de logements. Et là, belle surprise, la politique se plie au contexte : « Nous devons trouver un modèle habitable basé sur l’auto construction, que privilégie la population locale, tout en restant dans les normes de décence et de salubrité. » L’autre but est de maîtriser « l’habitat spontané. »
Autre conséquence bénéfique, « il faut améliorer le lien entre le village, la zone scolaire et surtout la zone emploi dont les habitants sont exclus. Ils doivent pouvoir en profiter. »
Avec des débuts de réponse à de nombreuses problématiques, on en arrive à se demander comment on ferait sans la politique de la Ville…
Ce samedi la journée sera consacrée au sport, à la santé, au cadre de vie et à la gestion urbaine de proximité.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Le CGET est chargé notamment de la conception, de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique de la ville
** Les ex-zones urbaines sensibles et quartiers en contrat urbain de cohésion sociale
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