Laetitia Nonone était invitée par l’Association des collectivités d’Outre-mer, la semaine dernière, pour donner des pistes d’action à destination des jeunes, métropolitains ou ultramarins. Ciblant un public en grande difficulté, l’association a pour objet la prévention de la délinquance et la sensibilisation des jeunes à la réalité de l’univers carcéral par le biais de l’éducation populaire et diverses activités artistiques, culturelles et sportives.
Les pistes proposées sortent souvent de l’ordinaire, et de la bien-pensance. Il faut dire que Laetitia Nonone connaît la souffrance liée à l’incarcération, pour avoir vu son père partir en prison alors qu’elle n’avait que 14 ans, puis son petit frère. Elle a choisi d’en faire son combat au profit des jeunes.
« Nous travaillons avec les parents. Aux mamans qui m’expliquent qu’elles sont fatiguées, qu’elles ont d’autres enfants à charge, je réponds qu’elles doivent assumer leur maternité », explique la jeune femme, martiniquaise d’origine.
« Tu te relèveras tout seul ! »
Son deuxième combat porte sur l’isolement, « grâce à un accompagnement individuel et collectif, comme ce fut le cas avec Lilian Thuram. Beaucoup de jeunes qui se sont radicalisés et sont partis en Syrie, restaient seuls toute la journée devant leur ordinateur, en écumant les réseaux sociaux. » Un seul et même référent suit le jeune, « qui ne va pas raconter son histoire 10 fois à des personnes différentes. »
Son parcours l’a sûrement rendu exigeante, elle replace son action en cohérence avec l’objectif. D’un côté, l’association se met à l’écoute des jeunes, « nous les accueillons comme on le ferait pour des adultes, en leur proposant à boire et un siège, pour qu’ils se sentent reconnus », de l’autre elle les responsabilise, « si tu commets un délit, tu te relèveras tout seul ! », leur lance-t-elle, « d’autres jeunes ont besoin de nous ». Pas de misérabilisme, mais une vraie empathie pour la personne en difficulté.
« On se retrouve entre noirs et arabes »
Elle dénonce dans un langage cru, qui colle à la réalité, les raisons d’une intégration ratée en France : « Dans les quartiers prioritaires, on est entre noirs et arabes. On a décidé de les faire sortir, et de les scolariser dans d’autres zones, et nous y arrivons enfin. »
Sa réaction sur le comportement des autorités après les attentats, devrait trouver de l’écho à Mayotte : « On nous a demandé de nous désolidariser des attentats. Moi, une jeune femme noire et croyante, je l’ai mal pris : ce n’est pas parce qu’un jeune est noir et musulman qu’il ne critique pas les attentats ! »
L’association, ouverte du lundi au samedi 24h/24, qui ne travaille qu’avec des bénévoles, jeunes, adultes et retraités, « 95% des jeunes passés en conseils de discipline sont adhérents », doit encore développer des partenariats.
Elle travaille sur un public difficile, et donc souvent en risque de récidive : « Pour prévenir, il faut punir et éduquer. » Elle évoque un parallèle avec les DOM-TOM, « pas facile à dresser, car j’attends toujours les chiffres de la délinquance dans vos territoires. Je participe à beaucoup de réunions, mais on parle très rarement des territoires ultramarins alors que vous avez beaucoup de quartiers classés prioritaires ! »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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