Ça gronde à la Chambre de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Aquaculture de Mayotte (CAPAM). Nous avions déjà évoqué le passage à la Rupéisation qui européanise tout sur son passage, y compris les financements de la CAPAM. Son budget de 1,5 million d’euros en 2014 a fondu de moitié, le conseil départemental n’ayant plus l’autorisation de financer des actions soumises à concurrence, « sous peine de se mettre hors la loi sur les secteurs où il faut maintenant passer des appels d’offre », explique le président de la CAPAM Mouslim Payet.
Une coupe dans les recettes qui intervenait au moment où la CAPAM avait investi dans des actions à visée européenne. El Anrif Boinali, Responsable de la programmation à la CAPAM, prend un exemple : « Face à la raréfaction des petits ruminants qui en accroit le prix, nous avons recruté un zootechnicien pour relancer la filière. Après un an de travail en CCD, l’Etat à travers la Direction de l’Alimentation, de l’agriculture et de la Forêt l’a transféré à la coopérative des éleveurs, alors que nous avions signé un renouvellement de contrat. »
Dans la foulée, il y a 3 mois, l’Etat supprime leurs indemnités d’élus, « ça ressemble fort à une mise sous tutelle totale, donc nous l’avons demandée lors d’une précédente session. » Mais le préfet leur rétorque par son contrôle de légalité qu’ « aucune disposition du code rural ne le permet. » La CAPAM serait seulement placée sous surveillance.
Pas d’anticipation
El Anrif Boinali ne comprend plus et produit des articles de loi : « Dans le cas de la surveillance, la CAPAM serait décisionnaire des indemnités des élus, comme des contrats de travail. Comme ce n’est pas le cas, et l’article 513-21-1 du décret du 13 mai 2016 le précise, il faut aller jusqu’au bout et nous mettre au moins sous tutelle renforcée. » Surtout que les mesures de redressement n’ont pas encore porté leurs fruits.
Ils le jurent, le comportement de l’Etat n’est pas consécutif d’abus sur leurs indemnités. Une consommation d’essence exagérée avait malgré tout été pointée, « mais nous avons prouvé qu’elle était basée sur un fonctionnement normal. »
Mouslim Payet y voit la volonté d’étouffer le développement de agriculture dans l’œuf, d’autres à la Chambre y voient de l’incompétence : « Le passage vers la Rupéisation n’a été anticipé par personne, « ni la DAAF, ni le conseil départemental, ni notre direction », reprochent-ils, « nous aurions du être progressivement accompagnés à nous passer de la subvention du conseil départemental, surtout que nous n’avons pas les compétences requises ni en bagage culturel, ni technique. »
Pistes pour s’en sortir
En découlent 3 délibérations prises en session extraordinaire ce lundi matin dans un climat houleux entre la préfecture et la CAPAM. La 1ère concerne la condition à remplir pour être sous tutelle renforcée : « Nous demandons un audit de l’Assemblée permanente des chambres d’agricultures, l’APCA, et non du ministère comme cela a été fait. »
Et parce que justement, les bonnes démarches n’auraient pas été entreprises, et notamment d’anticipation et d’accompagnement de la perte de leurs recettes, ils réclament à l’Etat dans une 2ème délibération une compensation, et l’octroi d’un prêt : « Notre recette fixe de 500.000 euros sur la taxe additionnelle sur le foncier non bâti, nous permet de le contracter, ce qui nous permettrait de solder notre déficit de perte de la subvention du CD et de commencer à préfinancer les projets européens. De notre côté, nous nous engageons sur des pratiques de bonne gestion », informe El Anrif Boinali.
« On nous dit qu’il y a 60 millions d’euros pour le développement régional, 14 millions d’euros pour la modélisation de l’agriculture, mais nous ne les auront jamais si nous ne sommes pas en capacité de préfinancer », reprend Mouslim Payet.
Craignant que la CAPAM ne soit vidée de sa substance, les élus demandent dans leur 3ème délibération, de se reconcentrer sur les fiches actions nécessitant un tri-partenariat avec l’Etat et le CD : la relance des productions végétales, la coordination des schémas génétiques des ruminants, la relance de la filière des petits ruminants, l’optimisation de la rentabilité des exploitations (points de vente) et l’appui à la structuration des filières pêches et aquacoles.
Ils déplorent donc une réaction tardive, « c’est aujourd’hui que l’Etat se réveille, il fallait anticiper ce régime RUP », et attendent de connaître la réponse du contrôle de légalité à leurs 3 revendications. « Nous voulons renouer le dialogue avec l’Etat, sans être toujours vus comme de mauvais gestionnaires, mais comme une structure à accompagner. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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