C’est le quartier qui a mauvaise presse à La Réunion. La Chaumière, à Saint-Denis, est un endroit souvent stigmatisé pour une raison simple: il accueille une très grande communauté mahoraise et comorienne, une population que les Réunionnais ne portent pas toujours dans leur cœur. «Le quartier est mal vu et pourtant, moi qui y vit et qui y élève mes enfants, je sais que les choses sont beaucoup moins mauvaises que les gens le pensent. C’est tout l’objet de ma thèse», explique Mélanie Mezzapesa.
Depuis 4 ans, elle a amassé une quantité impressionnante d’observations «de terrain» pour proposer une réflexion sur les logiques migratoires de ces habitants, la construction identitaire des Mahorais à La Réunion ou encore les pratiques au sein de la communauté… «D’habitude, les anthropologues vont sur leur terrain puis ils rentrent chez eux. Moi, mes interlocuteurs, ce sont mes voisins!»
«Les Mahorais ont adapté leur culture au contexte réunionnais et au mode de vie urbain. Et c’est quelque chose de particulier de vivre dans un village qui n’est plus sa famille», relève Mélanie Mezzapesa. Sur le plan identitaire, certains peuvent être perdus et tous sont confrontés à la question de la place que leur accorde la société réunionnaise.
«Ils ne doutent pas d’être Français et d’être Mahorais, et certains d’entre eux qui sont là depuis longtemps d’être Réunionnais. Certains se font une place et réussissent à trouver du travail. Des jeunes excellent dans les études. D’autres finissent par partir en métropole…» Plus qu’un comportement commun à l’échelle d’une communauté, ce sont donc des parcours personnels sur lesquels Mélanie Mezzapesa se penche.
La volonté des mamans
«Il y a quelque chose de très frappant pour moi : c’est la volonté farouche des mamans de s’en sortir, pour elles et pour leurs enfants. Elles sont capables de s’organiser, de s’entraider et, contrairement aux idées reçues, de prendre les choses en main. Lorsqu’il faut par exemple accompagner des enfants, on peut toujours leur faire confiance, elles vont gérer. A leur façon. Mais les femmes mahoraises savent gérer tout ce qui concerne les enfants»… malgré un complexe d’infériorité qui n’est jamais très loin. «Même si elles en doutent, j’ai beaucoup appris auprès d’elle», explique l’anthropologue.
Mélanie Mezzapesa ne s’est pas contenter d’étudier les Mahorais à La Réunion. Elle est aussi venue à Mayotte, pour suivre par exemple quelques familles qui revenaient dans leur île natale pour passer des vacances. Cette semaine, elle était aussi chez nous mais avec une autre casquette : celle de formatrice au CNFPT (le centre de formation de la fonction publique territoriale). Elle assurait une session sur la médiation sociale avec des agents de plusieurs collectivités. «On a travaillé sur les adultes relais, les agents de prévention, les rôle des agents d’accueil, la gestion des conflits… Là encore, on est sur des éléments très culturels. Pour travailler ces questions, il est nécessaire de partir de leur réalité.»
Toujours impliquée
Mélanie Mezzapesa a déjà commencé à rédiger sa thèse sous le double regard de ses maîtres de thèse à La Réunion et à Rouen, tout en continuant à s’impliquer dans la vie de son quartier. Au JDM, nous avions, d’ailleurs, déjà eu l’occasion de parler d’elle. Très active dans l’association de la Chaumière, elle encadre de nombreuses activités avec les jeunes mais aussi les mamans. Ainsi, en ce moment, une dizaine d’enfants du quartier participe à des actions avec un club de judo. Plus tôt dans l’année, 7 autres étaient partis en métropole pour l’Euro 2016.
L’asso a également signé une convention avec Sua Réunion pour faire venir le Moov’Africa et le fitness à la Chaumière. Elle travaille enfin avec un Cadi pour organiser des cycles de conférences sur des thèmes choisis par les mamans : relation de couple, lien parents-enfants, place des parents… Les sujets sont aussi révélateurs des préoccupations de ces Mahorais «expatriés», une communauté qui méritait bien qu’on la regarde pour mieux la considérer.
RR
www.jdm2021.alter6.com
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