Les Réunionnais ont un nouveau motif de fierté : leur espérance de vie. Depuis les années 50, elle a fait un bond fulgurant, à tel point qu’ils vivent en moyenne 30 ans de plus que leurs aînés!
En 1953, à La Réunion, les femmes mourraient à 53,5 ans, tandis que les hommes disparaissaient en moyenne à 47,5 ans. Des chiffres désastreux qu’un rapport de la ministre de la Santé publique de 1948 expliquait ainsi: «C’est une île malade, avec une population impaludée à 95%, détenant le record national de consommation d’alcool par tête d’habitant -avec 5,41 litres contre 2,61 litres de moyenne nationale- ravagée par les maladies de la misère persistante: la lèpre, la tuberculose, la typhoïde, la syphilis qui constituent l’ombre couvée de la pauvreté. À cette extrême désolation s’ajoutent les mariages consanguins, la pénurie de médecins, d’hôpitaux, l’ignorance quasi-totale des règles les plus élémentaires d’hygiène et la sous-alimentation»… Le tableau semble apocalyptique.
60 ans plus tard, La Réunion a changé et les statistiques avec elle. Aujourd’hui, l’espérance de vie s’établit à 82,9 ans pour les femmes et à 76,5 ans pour les hommes. «C’est considérable, phénoménal !», note Valérie Roux, directrice de l’antenne régionale de l’Institut national de la statistique et des études économiques. «Il faut savoir qu’en métropole, la transition démographique s’est faite sur plus d’un siècle. Il y a vraisemblablement peu d’endroit dans le monde où on peut noter une telle progression en un temps si court», poursuit-elle.
Mayotte en retrait
La Réunion a comblé progressivement son retard sur la France hexagonale grâce à une révolution sanitaire sans équivalent impulsée par la Départementalisation. Le 23 mars 1953 est posée, à Bellepierre (Saint-Denis) la première pierre du centre hospitalier le plus moderne de l’époque dans cette partie sud-ouest de l’océan Indien. Allocations, sécurité sociale, dispensaires, PMI, multiplication des hôpitaux… Les mesures sanitaires et sociales sont nombreuses et leurs effets évidents: De 16 ans dans les années 50, l’écart s’est réduit à̀ 5 ans au début des années 80 avec la métropole. Il est aujourd’hui de 23 mois pour les femmes et de 30 mois pour les hommes.
Mayotte est encore un peu en retrait. Chez nous, en 2014, l’espérance de vie pour les femmes est de 77,9 ans (contre 84,6 pour toute la France) et de 74,7 ans pour les hommes (78,1 ans sur l’ensemble de la France). Les hommes nés à Mayotte ont donc 6 ans de moins d’espérance de vie qu’ailleurs en France, les femmes près de 7 ans.
Les décès non enregistrés
Pour autant, il convient de prendre nos chiffres avec quelques réserves. Car ces données de 2014, sont les premières concernant l’espérance de vie et elles ne sont pas aussi fiables que celles de nos voisins réunionnais. La raison est simple : notre état civil est très récent.
«Jusqu’il y a deux ou trois ans, on mesurait très mal les décès à Mayotte. Mais les choses s’améliorent très vite», explique Djamel Mekkaoui, le responsable de l’Insee à Mayotte. Pour établir une espérance de vie, il faut en effet savoir le nombre de mort dans l’année et leur âge. Or, si les naissances sont relativement bien comptabilisées depuis assez longtemps, ce n’est pas le cas des décès. Dans les années 2000, on ne comptait encore qu’entre 200 et 300 décès officiellement enregistrés chaque année, un nombre bien en deçà de la réalité.
Une mortalité reconstituée
Conséquence, pour combler ces lacunes, l’Insee a reconstitué un taux de mortalité mahorais, ou plutôt 3 taux. Elle a créé trois hypothèses (basse, centrale et haute) qui lui permettent de calculer un solde naturel, un solde migratoire… et une espérance de vie. C’est généralement l’hypothèse centrale qui sert de référence.
Mais cette extrapolation n’est valable qu’avec une base de données fiables. Résultat, il est impossible chez nous de faire une comparaison avec les années 1950: à l’époque, à Mayotte, il n’y avait pas de statistiques.
«Disposer de chiffres sur une période historique, cela reste très compliqué à Mayotte. Il y a encore trente ans, nous étions un territoire très peu regardé», relève Djamel Mekkaoui. «Les seules données vraiment fiables dont on dispose, ce sont les recensements de la population depuis 1958. Auparavant, il existe quelques données de politiques publiques essentiellement Petite Terre. Mais elles ne sont pas utilisables pour un suivi statistique».
Aujourd’hui, la notion même d’âge n’est plus aussi obscure qu’il y a 20 ou 30 ans à Mayotte et penser une espérance de vie est donc envisageable.
Un stade intermédiaire
Ainsi, à 20 ans, on peut espérer vivre encore 59 ans pour les femmes et 56,2 ans pour les hommes. A 40 ans, ces valeurs passent à 39,7 et 37,4 ans. Enfin à 60 ans, l’espérance vie des Mahoraises est 21,4 ans et celle des Mahorais de 19,4 ans. «Nous sommes à un stade intermédiaire. Nous ne sommes pas dans la situation d’un pays en voie de développement mais nous ne sommes pas encore dans la situation des pays riches», précise Djamel Mekkaoui.
Ces chiffres devraient continuer à évoluer rapidement pour que Mayotte, à l’image de La Réunion, continue de combler son retard avec l’Hexagone. Compte tenu des progrès que nous pouvons réaliser sur la mortalité infantile ou encore le vieillissement de notre population, il est tout à fait probable que nous gagnions rapidement quelques années d’espérance de vie en plus.
RR
www.jdm2021.alter6.com
avec le JIR.
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