Saisie par le « Collectif pour la défense et la protection de la population de Poroani », la maire de Chirongui avait adressé un courrier plutôt vif aux personnes suspectées d’héberger des étrangers en situation irrégulière dont nous nous étions fait l’écho.
Il faut dire que le Collectif, dont nous nous sommes procuré le courrier daté du 22 janvier, avait pris le soin de dresser la liste des personnes susceptibles d’héberger des personnes en situation irrégulière dans le village de Poroani, évoquant « un retour massif de ces personnes dans notre localité. » En l’absence de réaction de la maire, ils informent qu’ils vont reprendre « dans les jours à venir, les actions menées au mois de mars dernier. Nous refusons catégoriquement les inscriptions sauvages des enfants dont les parents sont clandestins. »
Le même schéma et le même procédé qui a conduit une propriétaire “délogeuse” devant le tribunal la semaine dernière. La pression du collectif incite à des opérations de quasi-lynchage.
« Une situation apaisée »
Face à la fronde, Roukia Lahadji a donc adressé des courriers aux 28 personnes concernées, dont un conseiller municipal, leur demandant de « prendre des mesures », c’est à dire d’arrêter de loger ces personnes, et rappelant les peines encourues pour Aide à l’entrée et au séjour de personnes en situation irrégulière, « 5 ans de prison et une amende de 30.000 euros. »
Nous avons contacté la maire sur cette pression de ses administrés : « Le courrier envoyé aux personnes concernées avait comme objectif de calmer les esprits, je ne voulais pas que des actions reprennent. Et de fait, il n’y a pas eu de décasages le week-end dernier, la situation s’est apaisée grâce à cette démarche. J’ai ensuite saisi le procureur le 14 février. Je suis en attente de sa réponse. »
Communiquer auprès des Collectifs et des personnes en situation irrégulière
L’heure est à la communication. Tout d’abord, sur les risques encourus. S’il est vrai que la loi prévoit bien les sanctions annoncées par la maire, il faut pouvoir prouver que l’hébergement est soumis à contrepartie, notamment financière. Et elles sont nulles, s’il s’agit d’un secours à un membre de la famille, ou un accueil destiné à proposer des conditions de vie digne. Un ensemble d’éléments que les plaignants doivent fournir précisément au procureur s’ils veulent voir se matérialiser une action publique.
Nous avons contacté le parquet. Mais nous tombons dans un entre-deux, Joël Garrigue n’étant plus sur le territoire, et Camille Miansoni venant à peine d’arriver, pour une prise de fonction officielle le 3 avril. Le vice-procureur Philippe Léonardo n’avait pas d’information sur cette affaire, « la maire doit aussi contacter la préfecture », nous expliquait-il.
Une patate chaude que ces risques de reprise de « décasages » à Mayotte… Que personne ne veut garder en main.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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