L’association Mafoumbouni est spécialisée dans les sketchs à contenu humoristique et décalé qui ont trait au quotidien des Mahorais. L’un d’eux, titré « Moindaré et Jacques Martial », met en scène depuis le 22 octobre 2016 l’interview d’un toutou et de sa maîtresse. On comprend très vite qu’il s’agit d’Ida Nel et de son Chargé de mission et porte-parole, Jacques-Martial Henry.
Qui ont déposé plainte pour injures publiques, notamment en vertu le la loi de la liberté de la presse du 27 juillet 1881. Jacques-Martial henry demande 10.000 euros de dommages et intérêts, et 4.000 euros pour frais de justice. Estimant que le parquet n’était pas assez rapide au regard d’une vidéo qui court toujours sur la toile, ils ont déposé une citation directe. Comme l’expliquait le très pédagogue président du tribunal, Laurent Sabatier, les auteurs ne sont donc pas poursuivis par le procureur, qui n’interviendra pas. En revanche, le juge doit obtenir des informations à la barre.
Ce qu’il fit en interrogeant Bacar Madi, le président de l’association, en rappelant que l’humour est une arme. Il avait auparavant invité le public de la salle d’audience au silence à la lecture d’un extrait de la scène, de la parole de la maîtresse « je l’ai dressé pour qu’il parle à ma place », « bien répondu mon petit toutou, tu auras ton nonos », à celle de l’intervieweur, « vous voulez dire quoi aux législatives (…) mais les mahorais en ont marre de votre g… ».
« Je n’admettais pas qu’il travaille chez elle »
Le toutou apparaît tenu en laisse par sa cravate, et attrape un os avec sa bouche. Le juge interroge l’accusé sur l’identité des personnes représentées dans la scénette et sur l’objectif recherché, mais le président de la TV reste sur ses gardes, n’est pas convaincu qu’il faille lâcher sa démarche à la barre. Il nous confiera plus tard avoir hésité, « je regrette. » Le président Sabatier lui tendra des perches, « vous défendez un humour décalé ? Percutant ? ». Bacar Madi répond seulement, « au lieu de le dire avec sévérité, on le dit avec de l’humour et en caricaturant. Mais c’est rien par rapport à ce qu’on entend à l’extérieur. »
Le juge fera remarquer que l’espèce canine n’est pas particulièrement prisée à Mayotte, « ça renvoie à l’image de quelqu’un de docile, d’irresponsable. Et donc, pas valorisant pour quelqu’un qui a été vice-président du conseil général. » Justement, c’est le fond du propos, explique Bacar Madi : « Je n’admettais pas qu’il travaille chez elle après avoir décidé de lui donner la Délégation de service public du port de Longoni. »
Jacques-Martial Henry est précisément dans la salle. Lorsque Me Souhaili l’un des avocats de TV Mafoumbouni lui demande de s’avancer à la barre pour répondre à quelques questions, il s’exécute, mais refuse d’y répondre, comme il y est autorisé. La société MCG n’avait pu être retenue comme partie civile, Ida Nel n’ayant pas déposé de bilan ni de compte de résultat. Elle n’avait d’autre part pas déposé de consignations, ce qui éteignait sa propre action en justice.
Le Bêbête show à la rescousse
Pour Me Jorion, qui défendait Jacques-Martial Henry, il y a bien injure dans cette vidéos de 6 minutes 11, « Jacques-Martial Henry est identifiable sur cette vidéo toujours en ligne, qui a atteint les 16.545 vues », (bien davantage depuis). « Comparer un homme à un animal est injurieux, surtout à un chien, considéré comme impur eu égard à la religion musulmane shaféite de mon client. On cherche à l’humilier parce qu’il est dirigé par une femme blanche », un argument à double tranchant.
Une expression « outrageante », « une injure » pour l’avocat puisqu’elle ne se rapporte pas à la vérité. La vérité, c’est justement ce que va aller rechercher Me Yannis Soihaili, jusque dans actes entérinant la DSP.
Mais auparavant, le premier avocat de TV Mafoumbouni, Me Luc Bazzanela, démontait les justificatifs d’injures, « ni pour ses origines, ni sa race, ni sa religion, ni ses orientations sexuelles, tel que le définit la cour européenne des droits de l’homme », et ressortait tous les vieux sketchs du Bêbêtes show, « où Tony Blair était comparé au caniche de Bush », « Hollande celui de Merkel ».
Prise illégale d’intérêt chez MCG
C’est une détonation qui a suivi avec la plaidoirie de Me Souhaili. Cherchant à démontrer que la satire de ses jeunes clients était justifiée, donc que leurs propos n’étaient pas injurieux, il citait pour commencer l’article 432-13 du Code de procédure pénal, qui punit de 3 ans d’emprisonnement une personne, qui exerce notamment une fonction exécutive locale, de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée, et ensuite d’en obtenir un travail dans un délai de 3 ans qui suit la fin de ses fonctions.
« Or, Jacques-Martial Henry était un conseiller général qui a voté l’octroi de la DSP du port de Longoni à MCG, comme le montre la délibération 1199 de juillet 2013, où seuls 6 sur 19 ont voté contre », en citant publiquement les conseillers réfractaires*. Son mandat ayant pris fin en avril 2015, « il aurait du attendre avril 2018 pour y être recruté. » Renseignement pris, l’entreprise MCG pourrait être poursuivie pour recel de trafic d’influence… « Les jeunes ont voulu dénoncer l’illégalité de son contrat. Surtout que Jacques-Martial Henry avait expliqué en matinée chez Kwezi que le choix se portait sur MCG, avant même l’annonce officielle par le conseil général. »
Le toutou de la vidéo explique qu’il n’a jamais travaillé, avant de décrocher ce poste, « je comptais l’entendre de la propre bouche de l’élu à la barre, il n’a exercé que des mandats politiques. » Enfin, sur le caractère docile de la caricature, « je veux souligner que celle de Jacques-Martial Henry va jusqu’à travailler dans son intérêt, dans une société concurrente de la SMART créée par son oncle, le sénateur Marcel Henry. »
Il demandait la relaxe, « ou au pire, une peine d’amende avec sursis », pour le président de TV Mafoumbouni, venu avec son comité de soutien.
Le délibéré sera rendu le 3 mai 2017.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Sarah Mouhoussoune, Saïd Omar Oili, Issihaka Abdillah, Ali Bacar, Zaïdou Tavanday et Camille Abdullahi
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