L’eurodéputé groupe Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique, Younous Omarjee a déroulé les arguments de la France Insoumise de Jean-Luc Mélanchon, que l’on connaît maintenant : réunir une assemblée constituante pour établir la 6ème République, mettre au pas la finance, viser les 100% d’énergies renouvelables en 2050, sortir des traités européens, baser une économie sur l’humain, etc.
Ce qui intéresse les outre-mer, ce sont des mesures proches de leur quotidien, et propres à chaque territoire. Sur ce plan, Younous Omarjee a commencé par les généralités, « Mayotte est française pas par fatalité géographique comme d’autres départements, mais par choix plusieurs fois renouvelé », et proposait de sortir du « négationnisme » qui l’entoure.
S’il évoquait les défis que représentent l’autonomie alimentaire, « on a l’impression que le territoire a fait le deuil de son agriculture qui doit pourtant nourrir les cantines », l’autonomie énergétique, « vous avez du soleil toute l’année et des alizées », il n’entrait pas dans les mesures à mettre en place pour en dompter les freins, comme la régularisation foncière pour l’agriculture, ou la frilosité de la Commission de Régularisation de l’énergie pour le photovoltaïque.
Les RUP suspendus à la négociation des traités
Mais Younous Omarjee livrait un chiffre qui permet d’envisager sous un autre angle tous ces combats s’il est un jour mis dans notre escarcelle : « La Commission européenne a évalué à 2 milliards d’euros l’investissement nécessaire par l’Etat pour que les fonds européens soient opérationnels. » N’y voyez aucun opportunisme tiré de la situation guyanaise et le milliard avancé par le gouvernement, puisque Younous Omarjee nous assure qu’il s’agit d’un rapport resté dans les tiroirs, « jamais rendu public ».
En tout cas, voilà qui renforce ce que nous avons toujours développé dans ces colonnes : la France a vendu Mayotte à l’Europe en négociant à la baisse l’enveloppe de fonds qui nous était dédiée, « elle aurait dû être de 475 millions d’euros », rappelle le parlementaire, laissant un territoire sous-développé tenter de jongler avec des fonds qui s’adresse aux territoires un minimum structurés. De là à ce que le chèque soit signé dès le 8 mai, il y a un pas.
Et même plusieurs, puisque le candidat annonce vouloir sortir des traités européens pour les renégocier, « il s’agit de sauver l’Europe », et en cas d’échec, de sortir de l’Union européenne. Adieu, RUP, fonds structurels, veaux, vaches, cochons… « C’est le plan B, auquel nous ne devrions jamais arriver. Mais rappelons que le traité de stabilité budgétaire est déjà une épée de Damoclès sur les fonds structurels si le taux de 3% n’est pas respecté. Nous avons des arguments de poids pour négocier, l’Europe sans la France n’est rien, nous ne devons plus nous soumettre aux nécessités de la seule économie allemande, mais défendre l’idée d’une Europe solidaire, pour les peuples et les nations. »
4 milliards d’Africains, et moi, et moi, et moi…
Il ne pouvait qu’aborder les problématiques migratoires et d’insécurité que connaît Mayotte, et sous l’angle humaniste, « c’est une souffrance pour tout le monde, pour les mahorais et pour celles et ceux qui viennent à Mayotte chercher un avenir meilleur. » S’il n’y a pas de solution miracle, il appelle à prendre de la hauteur, « le problème migratoire est une question planétaire. » On le voit en métropole avec l’exode syrien, « mais on le verra encore plus en Afrique qui va passer de 1 milliard à plus de 4 milliards d’habitants à l’horizon 2100. »
Pour réaliser l’équilibre, il propose « d’engager les Comores vers le développement, c’est le plus sûr moyen d’infléchir la pression migratoire », et plus globalement, de modifier en profondeur l’équilibre des échanges économiques, « qui actuellement privent l’Afrique et les Comores de tout développement économique.» C’est la remise en cause des accords de libre échange, « c’est la fin des grands monopoles privés », et des « économies de comptoir qui refont partir les bénéfices à l’extérieur de Mayotte notamment, vers La Réunion et l’Europe. Nous devons encadrer des marges qui débouchent sur des situations de rente. La fête est finie pour la grande distribution ! »
Younous Omarjee avec l’équipe de campagne locale, Adrien Teilleux et Omar Simba, met en garde contre une envie d’alternance au socialisme, « légitime, mais sans être régressif comme Marine Le Pen, François Fillon ou Emmanuel Macron. » Et invite à voter pour son mentor, « qui a voit à travers Mayotte et les outre-mer, le vecteur de la mise en place de sa grande politique maritime. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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