L’existence de la Cimade, autrefois plus confidentielle en tant qu’accompagnant des personnes étrangères dans la défense de leurs droits, a été médiatisée lors de la crise des « décasés », et désormais, tout le monde a son opinion sur la structure.
On pourrait même dire qu’à Mayotte, les avis se scindent en deux, ceux qui approuvent ce repère qui permet d’assurer la défense des droits des plus démunis, et ceux qui, fatigués par les conséquences de l’immigration clandestine, les traitent de « droits-de-l’hommistes ».
Les évidentes prises de position de la Cimade, contre les « décasages » et pour l’hébergement des étrangers en situation irrégulière dans un but humanitaire, trouvent des obstacles de taille chez la population locale dont une grande partie pense strictement l’inverse.
Pas de boucs-émissaires
La Cimade fait référence à ce fossé dans un article de son 1er bulletin portant sur le premier procès pour « décasage », et s’explique : « La Cimade pense qu’il est plus que temps de voir en ce procès une véritable opportunité pour l’avenir de Mayotte : celle de tirer un trait définitif sur l’épisode des « décasages » et d’avancer sur de réelles pistes de réflexion pour améliorer la situation des habitant-e-s de l’île. Mayotte, 101e département français vit sous le régime ‘d’infra-droit’ social et économique. Elle souffre d’inégalités criantes dans tous les domaines vis-à-vis de la métropole et des autres départements d’Outre mer. La violence sociale souvent dénoncée par la population est bien réelle mais ne nous trompons pas de cible en rendant les personnes étrangères des boucs-émissaires d’une situation économique et sociale désastreuse résultant d’une politique discriminatoire à l’égard de tous les habitant-e-s de l’île. »
Nous livrons l’intégralité de la fin de l’article, qui prend la forme d’un édito. Certaines solutions prônées recoupent celles de comités qui se veulent habituellement éloignés d’elle.
10 ans d’expulsions… pour quels résultats ?
« Il importe, de manière urgente, de se lancer dans une véritable politique de long terme pour Mayotte et ses habitants et d’arrêter les logiques de court-termisme. Les difficultés de l’île sont connues et multiples : problème du foncier, saturation des services publics, chômage, pauvreté, délinquance en col blanc ou de jeunes désœuvrés, manque de formation et de personnes compétentes… C’est l’ensemble des habitants de l’île, qu’ils soient originaires d’ici ou d’ailleurs, qui sont victimes de cette situation, dans laquelle chacun espère avoir une vie meilleure.
Aujourd’hui, la politique migratoire menée par l’Etat français, axée principalement sur la répression, est dans une impasse. Cela fait 10 ans que 20 000 expulsions annuelles sont réalisées, que des parents sont renvoyés en laissant des enfants isolés derrière eux, que la majeure partie revient malgré les dangers de la traversée. Cette politique demeurera vaine tant que le déséquilibre économique dans la région perdurera.
Sésame pour la métropole
Pour sortir de l’impasse migratoire dans laquelle elle est en train de s’enfermer, nous croyons que Mayotte devrait, dans un premier temps, commencer par diminuer la pression démographique, en permettant aux milliers de personnes détentrices d’une carte de séjour de voyager sur l’ensemble du territoire français.
Dans un second temps, nous croyons que Mayotte devrait également s’inscrire dans une politique de co-développement régional qui pourrait, à terme, être bénéfique pour toutes et tous, par la réduction des inégalités.
Parce qu’une coopération suppose au minimum qu’on soit deux, la solution ne relève pas uniquement des politiques publiques menées à Mayotte mais également à celles qui le sont dans l’Union des Comores. Trop nombreuses sont les personnes qui quittent cette partie de l’archipel en raison de la misère et des trop nombreuses défaillances étatiques.
A la CIMADE, nous reconnaissons que la situation est d’une grande complexité et que les frustrations sont profondes et multiples, mais nous refusons tant la résignation que la violence. Les injustices sont criantes de toutes part. Nous voulons sincèrement que les choses changent, durablement, mais sans haine, et dans le respect de la dignité de tous. »
A.P-L.
Le Journal de Mayotte
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