Il n’est pas si courant que des citoyens prennent publiquement à partie les institutions de la République. C’est pourtant ce que vient de faire Zakia Colo qui adresse une lettre ouverte au procureur de la République Camille Mansioni, un courrier transmis aux médias. Et elle n’y va pas par quatre chemins : «Dans l’un des territoires le plus corrompu au monde, vous pensez que votre place est dans les tribunes en tant que spectateur?» lui demande-t-elle.
Son courrier porte essentiellement sur la gestion des fonds publics par les collectivités mahoraises. Elle reprend certains avis de la Chambre régionale des comptes (CRC) dont nous nous sommes récemment faits l’écho… «Il faut reconnaître que les communes de Mayotte remportent la palme d’or en mauvaise gestion», relève Zakia Colo.
Elle cite ainsi le dernier rapport de la CRC établi sur les budgets de la commune de Ouangani. «Ce rapport fait état de plusieurs manquements : marché public attribué sans publicité, des marchés publics non exécutés mais payés par la mairie de Ouangani, des marchés publics avec des prix exorbitants, (…) un foyer inachevé, avec des fonds consommés sans pouvoir produire les bilans».
Elle relève, comme nous l’avions fait à l’époque, que la «rénovation de la bibliothèque de Barakani (…) a couté 7600 euros le mètre carré»… Alors qu’il s’agit bien d’une rénovation!
Dembéni et le Département dans la ligne de mire
La commune de Dembéni a également retenue son attention : «Les fonds du marché couvert ont été consommés et cette structure n’a jamais était inaugurée. Il faut croire que ces deux communes sont limitrophes même dans le gaspillage des fonds publics».
Enfin, le Conseil départemental ne sort pas indemne de ce courrier. Pelle-mêle, elle dénonce «les masses salariales exorbitantes, et des embauches de complaisance», «la délégation de service public, concernant le port de Longoni» et un «ancien conseiller général qui a voté pour l’attribution de cette DSP à MCG» qui est ensuite «venu travailler» dans cette société. «A Mayotte, on nous explique qu’il n’y a pas de conflit d’intérêt, c’est une drôle de façon de concevoir les choses!» s’emporte-t-elle.
Diminuer « les Mkara-kara »
Et c’est donc finalement vers le procureur qu’elle se tourne : pour elle, au Département, «le déficit chronique profite à quelques-uns, et personne ne déclenchera l’article 40. Ah si la conseillère départementale de Mamoudzou a osé le faire. Mais pourquoi, monsieur le Procureur, vous n’avez pas donné suite à cette enquête», demande Zakia Colo.
«Monsieur le Procureur, dans ce territoire où tout manque ou presque, vous attendez quoi pour lancer des enquêtes préliminaires sur la base des rapports de la chambre régionale des comptes ? Et diminuer ainsi les mkara-kara en tout genre. (…) Je pense (…) que vous devez jouer le rôle qui vous incombe pour le bien des Mahorais. En faisant la lumière sur les différentes affaires qui impliquent les deniers publics sur l’île de Mayotte. Et que vous dégagiez les responsabilités de chacun dans ces affaires.» Une délinquance en col blanc que le procureur a précisément visée en annonçant son intention de s’y attaquer dans son allocution de rentrée.
Ce coup de colère se termine sans ambiguïté : «Monsieur le Procureur, vous êtes ici pour travailler, alors mettez-vous au boulot !»
RR
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