Actuellement, la quête absolue de toute personne travaillant à Mayotte est d’intégrer la précieuse liste des prioritaires pour mettre les 30 euros de carburant maximum autorisés dans son véhicule. Mais même pour ceux qui en font partie, le quotidien n’est pas simple. C’est particulièrement vrai pour les personnels de santé qui exercent en libéral.
«C’est beaucoup de temps et de stress pour savoir si on va réussir à passer», témoigne Carole Capelli. Cette infirmière libérale est installée dans le sud. Chaque jour, elle doit faire la tournée des patients dont elle a la responsabilité, à différents moments de la journée, pour se rendre chez des personnes qui nécessitent des soins variés mais essentiels en fonction des pathologies qui les affectent. «Je fais 160km tous les jours. Alors, quand on ne peut mettre que 30 euros d’essence dans le réservoir, ça oblige à se rendre dans la station tous les deux jours».
Comme elle, les infirmiers et infirmières libérales sont dans les limites de ce qu’ils peuvent faire. Les jours de repos sont consacrés aux files d’attente aux abords des stations, quand il ne faut pas décaler des rendez-vous durant les jours travaillés, ce qui peut poser des problèmes médicaux. «Ce samedi, j’ai eu de la chance. Les gendarmes présents à la station de Chirongui étaient très gentils et compréhensifs. Ils m’ont fait passer rapidement», explique Carole Capelli. Car la liste est longue des véhicules prioritaires, et les forces de sécurité doivent réguler le flux, pour définir qui peut être un plus prioritaire qu’un autre. «Sinon, c’est 3 ou 4 heures d’attente».
Au bord du chômage technique
Il y a bien une station dédiée aux véhicules prioritaires mais elle est à Majicavo. «On ne peut pas utiliser l’essence qu’on met dans nos véhicules pour aller à la station», ajoute le Dr Jean-Marc Roussin, installé lui aussi dans le sud. En tant que responsable du syndicat des médecins libéraux de Mayotte, il a demandé à la préfecture que les personnels de santé soient prioritaires, dans toutes les stations et à toute heure.
Dans l’état actuel des choses, le médecin comme les infirmiers libéraux font beaucoup d’efforts pour qu’il n’y ait pas de rupture dans les soins prodigués aux patients. Mais le docteur Roussin a une vision très claire de la situation qui pourrait se résumer en une formule : à l’impossible nul n’est tenu. «Ca commence à devenir trop compliqué, pour les patients qui viennent de tout le sud et pour les personnels. Parce qu’un cabinet libéral, c’est un médecin mais c’est aussi d’autres personnes comme les secrétaires. Si ça continue encore trois ou quatre jours, soit l’Etat nous trouve une solution, soit je mets tout le monde au chômage technique et je ferme», tranche-t-il.
Transférer les patients vers le CHM
Déjà, infirmiers comme médecins commencent à envisager de transférer les patients les plus sensibles vers le CHM. Mais là encore, le centre hospitalier ne sera pas en mesure de prendre en charge tout le monde alors que les professionnels estiment à 25% le nombre de patients de Mayotte pris en charge chez eux par les libéraux. Et le CHM lui-même est confronté au problème, avec de grandes difficultés pour éviter les ruptures de médicaments et de matériels (voir l’alerte lancée par les transitaires) et des personnels qui ont bien du mal à venir travailler.
Ce lundi, au 11e jour de grève chez Total, les professionnels médicaux et paramédicaux n’avaient pas connu pareille crise depuis le mouvement social de 2011.
PM
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