« J’ai monté mon atelier avec l’accord de la Direction des services vétérinaires, condition indispensable pour l’obtention du permis de construire », explique Dominique Marot, directeur de Benara, qu’on connaissait jusqu’à présent dans l’aquaculture, mais qui assure là une reconversion en assurant border son projet, « j’ai suivi toutes le procédures que l’on m’a imposées ».
D’une surface de 90m2, niché sur les hauteurs d’Hajangua, c’est un atelier modeste qu’il nous fait visiter, mais promis à des extensions futures. Il insiste sur l’hygiène, fondamentale pour cette unité de transformation alimentaire. Les poissons arriveront en filet, « une section équarrissage aurait été trop compliquée », achetés à la Copemay de Pierre Baubet.
Dans un premier temps, ce sera du thon, de l’espadon, simple et voilier, et du marlin. Dès réception, ils seront salés dans la salle de préparation du poisson, laissés à mariner dans un gros frigo, d’où ils feront des allers retours après dessalage, et déposés dans l’armoire de fumage d’une capacité de 700kg, pour la cuisson qui doit durer… « un certain temps ! », obtiendront nous en réponse aux questions sur les petits secrets de fabrication qu’il ne veut pas livrer. Emballez, c’est pesé !… et déposé en chambre froide en attendant l’envoi.
Fumé au hêtre
Les principaux clients seront les restaurateurs, voire la grande distribution pourquoi pas, et « monsieur tout-le-monde ». Le poisson sera fumé, ou boucané, c’est à dire fumé sur une plus longue période.
L’armoire de fumage et le générateur de fumée recevront comme combustible du bois de hêtre, « que j’importe de métropole, tout comme le sel ». Aucune espèce de bois n’est en effet homologuée pour cet usage à Mayotte.
La transformation est un des leviers de croissance de notre économie, et dans ce domaine, tout est encore à faire.
Un investissement total de 350.000 euros, sur lequel il participe pour 20%, les 80% étant pris en charge au titre du Contrat de projet par l’Etat et le Département. S’il ne sollicite pas les fonds européens, c’est que le projet date, « de 2007 »… et a bien failli partir en fumée. Il s’explique : « Les banques ont eu du mal à suivre, bien que j’ai hypothéqué mon terrain. Il n’y a hélas pas de prêt bonifié ou de prêt à taux zéro à Mayotte. » Il envisage de le commercialiser au prix de 30 euros le kilo.
Remplacer le mabawa par la saucisse de poulet
S’il s’engage sur la qualité, « je serai la seule fumerie officielle à Mayotte, les autres sont artisanales », le bâtiment attend malgré tout d’être raccordé à l’électricité pour obtenir l’agrément de la Direction des Services vétérinaires (DSV). « Un câble triphasé passe sur le terrain, mais si je me raccorde, les usagers qui sont en aval de la ligne n’auront plus de tension. EDM demande 80.000 euros. J’ai donc fait appel au conseil départemental pour bénéficier de financements du réseau rural. » Dont il attend la délibération. L’ensemble fonctionne actuellement grâce à un groupe électrogène.
Ce qui ne l’empêche pas de voir plus grand et d’envisager une extension, d’ici 2 ans : « Je vise la cuisson de poulet fumé et boucané, et la fabrication de saucisse de poulet, au combava ou à la vanille, dans l’espoir de concurrencer puis de remplacer les mabawas* ».
Pour l’instant, c’est lui et sa femme qui vont enfiler leurs tabliers, « j’ai été formé aux Fumet des Dombes, à Lyon ». Son déplacement avec le conseil départemental à Majunga lui aura donné d’autres pistes, « comme le fumage de gambas, mais des équipements en zone de transport frais sont indispensables du côté malgache pour cela. » Il envisage même que des magrets de canard fumés sortent de ses ateliers…
Il imagine aussi une collaboration avec le lycée hôtelier, « pour marier les poissons fumés aux épices et saveurs locales », et de lancer des « Colipays », avec ses produits.
Nous avons gouté les premiers tests, raffiné le fumé !
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Ailes de poulet
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