Entre 3.000, selon la police, et 4.000 personnes, s’étaient mobilisées, sur une lecture supposée d’une feuille de route qui n’a toujours pas été rendue officielle. Signée le 12 septembre dernier lors du Haut Conseil paritaire entre les ministres des Affaires étrangères Français et Comoriens, elle engage les frontières, puisqu’il y serait question d’une gratuité des visas, et dès ce 1er octobre…
Essayer de trouver une solution à la pression migratoire qui pèse sur Mayotte sans intégrer en amont aux élus Mahorais, pourquoi pas ? Les Groupe de Travail de Hauts Niveaux ayant toujours échoué sur les mots. Mais ne pas en avoir référé dans la foulée aux représentants de Mayotte, laisse avoir tous les doutes sur le contenu du document.
« Ça s’est déroulé derrière notre dos, alors que c’est nous qui subissons l’impact migratoire sur nos politiques publiques, c’est du mépris ! », témoignait le maire de Bandraboua, Soulaimana Boura. Il craint que les arrivées légales avec un visa, se fondent ensuite dans la nature et fassent bénéficier leur famille de leur statut.
« Actuellement, ceux qui ont un visa ne repartent pas ! »
Pour le président de l’Union des Oulémas, El Mamouni Mohamed Nassur, même si la feuille de route ne peut menacer l’appartenance de Mayotte à la France, « il faudrait consulter le peuple », on n’en est pas loin : « Le respect de la Constitution est bafouée. »
Sénateur depuis moins de 24h, Hassani Abdallah, évoque « l’inquiétude des Mahorais » : « Il faut faire un bilan du visa Balladur. Les gens qui le détiennent ne repartent pas, et là, on voudrait instaurer la gratuité ! »
L’eurodéputé de gauche Younous Omarjee n’a jamais été tendre pour les gouvernements successifs, cela se vérifie plus que jamais : « J’ai toujours été favorable à la pacification des relations entre Mayotte et les Comores, aux développements liés. Mais je dénonce la méthode utilisée qui se prive de la consultation des Mahorais sur un sujet aussi sensible. C’est prendre le risque d’accroitre les tensions, au détriment même de ceux qui ont besoin de protection, je parle des étrangers. Mais on retrouve là, la méthode habituelle de la France qui sur les questions importantes, les règle entre les pays tiers ou avec les multinationales. »
Michel Taillefer, chef d’entreprise, fait part de ses 35 ans d’expérience sur le territoire, « et j’en retiens que, collectivement, les Mahorais ont une bonne idée de ce qui est bon pour eux. »
La feuille de route, une montagne ou une souris ?
Même raison d’être dans la rue pour le sénateur Thani Mohamed Soilihi : « Le thème de l’immigration comoriennes doit faire l’objet d’une cohésion avec consultation des élus mahorais. Il faut savoir si cette feuille de route modifie les conventions internationales ou s’il s’agit de modification à la marge, non substantielle. Nous commentons un document que nous n’avons pas vu, il n’y a rien de plus dangereux », une analyse que partage l’élu départemental Issa Issa Abdou, « nous faisons le forcing pour que la voix de Mayotte soit entendue ». Peu de temps entre ces élections sénatoriales et la réunion interministérielle du 28 septembre, “nous n’avons même pas nos billets”, défendent-ils.
Des élus critiqués par les cadis, « cela fait plusieurs exécutifs qui se succèdent, pour quelle solutions, nous avons toujours le même flux migratoires ». Le Grand Cadi lisait un verset du Coran, qui nous était traduit, « tout étranger qui entre dans ta demeure doit saluer et demander l’autorisation. Mais si tu lui dis de partir, alors il doit s’en aller. »
Les témoignages d’anonymes pleuvent, « s’il s’était agi de la Guyane, le gouvernement aurait forcément communiqué ». Et l’avenir est sombre pour une salariée de l’hôpital qui évoque un plan de longue haleine : « En 2002, la planification des naissances, le fameux ‘1, 2, 3 bass’, avait été contrecarré par une immigration massive et la gratuité des soins pour les femmes enceintes. C’est un plan en douceur de retour de Mayotte vers les Comores. Nous sommes étouffés, j’ai un chien, des barbelés, et nous cotisons pour que les soins soient offerts à tous. »
«Je crois que les Mahorais ont intérêt à réagir»
Samiante, professeur au collège de M’Tsangamouji, est venue avec quelques collègues, en grève pour l’occasion. Elle veut “dire non au mépris de la France quand on ne nous consulte pas. On est inquiets car on ne sait pas ce qu’il y a dans cette feuille de route, alors que ça va se mettre en place rapidement. Qui nous dit que ça sera contrôlé, on ne sait pas ce qui va arriver, ni qui va arriver. Ce dont on a besoin, c’est de voir cette feuille de route, on veut savoir ce que la France veut vraiment faire” conclut-elle, avec l’approbation de ses collègues.
Discret parmi les milliers de manifestants, Maurice Michaud n’a pas toujours été un anonyme dans la foule. Sous-préfet de Mayotte de 1997 à 2000, il est désormais à la retraite et ne cache pas son inquiétude. “J’ai toujours été inquiet de ce qui vient de Paris. Sous-préfet, je m’investissais beaucoup auprès des forces politiques locales, c’est ainsi que l’on a pu résister plusieurs fois à des décisions parisiennes. Je crois que les Mahorais ont intérêt à réagir”.
Un différend politique réglé par un autre biais
Brandissant une pancarte qu’il va opposer à la caméra d’un gendarme, Antoy lâche sa colère : « Le différend entre Mayotte et les Comores est politique, et on cherche à apporter des réponses sociales. Pour apaiser les tensions, les Comores doivent avant tout reconnaître l’appartenance de Mayotte à la France. Les dirigeants là-bas n’ont aucun projet pour leur peuple. Et si on veut instaurer la gratuité des visas, qu’on laisse les étrangers partir où ils veulent en métropole ou en Europe. Ils sont réfugiés économiques, mais ici, il n’y a pas d’économie ! »
Le cortège se met en marche vers la préfecture. Mais il y a débat, doit-on se rendre directement à la représentation de l’Etat à Mayotte, ou passer symboliquement devant le service des étrangers, devant le dispensaire Jacaranda, et devant les Services fiscaux ? En ordre dispersé, la foule suivra ce chemin, de symboles en effet de ce qui peut résumer Mayotte : une imposition maximale, au dessus même de ce qui se fait en métropole en valeur locative, contre un service public inaccessible car engorgé. La dignité des habitants de l’île dans la manifestation est, à plus d’un égard, remarquable.
La rédaction
lejournaldemayotte
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