Depuis quelques jours, la presse nationale s’emballe. “Les kebabs pourraient bientôt être interdits en Europe” titre Cnews matin. “Pourquoi vous ne pourrez peut-être bientôt plus manger de kebabs” souhaite expliquer Nice Matin tandis que Ouest-France affirme que “la profession s’inquiète : plus de 200 000 emplois sont menacés”.
Alors pourquoi tout ce barouf autour du bon vieux Döner Kebab, qui fait doucement mais surement son trou ici à Mayotte, région ultrapériphérique de l’UE ?
Tout vient d’une proposition de députés écologistes et socialistes au parlement européen. Ces eurodéputés verts et roses souhaitent voir interdire formellement l’utilisation de phosphates dans la viande à kebab, citant des études qui démontrent un risque pour la santé. Leur amendement devrait être étudié en ce début de semaine. L’UE tempère ces doutes sanitaires dans un autre communiqué affirmant que « Une évaluation de l’Agence européenne de sécurité des aliments a affirmé qu’il n’était pas possible d’attribuer ce risque à l’absorption de phosphore en général ou aux additifs phosphatés ».
Dans les faits, ces phosphates sont déjà interdits, mais bénéficient d’un relatif vide juridique qui profite à certaines “préparations carnées”, dont fait partie la viande à kebab en broche. Ces additifs visent à “retenir l’eau” et à “préserver les saveurs” de cette viande préparée.
Les écologistes mettent aussi en avant un argument commercial. Dans un communiqué, les eurodéputés précisent que “cette pratique trompe tant les vendeurs de kebabs que ceux qui les achètent : les additifs permettant de retenir l’eau alourdissent artificiellement la viande et renchérissent son prix, et les amateurs de kebab ne sont pas informés de la présence de cet additif controversé dans leur alimentation.”
“Aujourd’hui tout le monde fait du kebab”
Du côté des professionnels du secteur à Mayotte, le vote au parlement ne suscite guère d’inquiétude. L’un d’eux confirme la présence de l’additif E450, un stabilisant à base de phosphate, sur sa liste d’ingrédients. “Si j’en ai alors que ma viande est ultra contrôlée, alors tout le monde en a. Sachant que les fabricants stockent la viande sur deux à trois ans, il est impossible de supprimer ça, à moins que ça soit sur du très très long terme. Je pense que ça ne va pas passer.”
D’autant que dans le 101e département français, le kebab a su s’imposer comme un incontournable, et un sérieux moteur économique. Alors que ce sandwich originaire de Turquie était quasi inexistant ici lors de la départementalisation, ce sont aujourd’hui une trentaine d’enseignes et près de cent emplois qui vivent du kebab à Mayotte. “Ça a explosé en trois ans, note un restaurateur, maintenant tout le monde en fait, même la grande distribution”. Au niveau national, plus de 300 millions de kebabs sont engloutis chaque année, ce qui fait de la France un des plus gros consommateurs au monde avec l’Allemagne.
De plus, selon les eurodéputés qui portent le projet d’amendement : “Il est utile de rappeler que ça n’est pas une fatalité puisque de nombreux fournisseurs proposent une viande sans phosphates”.
Du coup, quelle que soit la décision de Bruxelles sur la viande à Kebab, celle-ci n’a pas fini d’être créatrice d’emplois et de bons moments à table. Guère plus que la frite belge qui avait il y a quelques semaines, fait l’objet de même genre de titres racoleurs.
Y.D.
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