Le rapport de force entre le gouvernement monte de deux crans en ce lundi de rentrée scolaire. Les leaders du mouvement accentuent la pression sur l’unique condition exposée par la ministre des Outre-mer à sa venue, l’ouverture des écoles. Primaire s’entend, de la compétence des maires.
La « Table des revendications » qu’ils ont exposée aux médias ce vendredi présente parmi les mesures urgentes, la fermeture des écoles en rotation dès le 12 mars 2018, celles qui ne proposent qu’une salle pour deux classes, les élèves n’ayant cours qu’ « à mi-temps », pour reprendre l’expression du député Mansour Kamardine. « Elles contribuent à faire baisser le niveau général », accusent les leaders du mouvement, qui accueillent favorablement l’application des rythmes scolaires dans les écoles qui le peuvent.
Ce samedi un nouveau communiqué tombait, dans lequel les organisations à l’initiative du mouvement en cours « demandent aux maires à fermer les établissements scolaires et invitent les parents de garder leurs enfants à la maison jusqu’à nouvel ordre. »
Nous avons contacté les maires : « La majorité des maires vont ouvrir les écoles, il ne serait pas normal de priver les enfants de scolarité », indique Toillal Abdourraquib, DGS de l’Association des Maires de Mayotte (AMM). Une ouverture sur laquelle les maires du sud n’étaient pas tous favorables, ils en ont longuement débattu tard ce dimanche lors d’une réunion à Tsingoni.
Des mobiles… dans l’enseignement
Pour le secondaire, c’est plus compliqué. Tout d’abord, beaucoup d’élèves habitent à plusieurs kilomètres de leur établissement, nécessitant des transports qui vont avoir le plus grand mal à circuler si les barrages qu’on nous promet sont maintenus.
En outre, les syndicats du second degré ne décolèrent pas contre une circulaire du vice-rectorat. Que rapporte le SNES FSU : « Les élèves ne pouvant se déplacer par ‘manque de transports ou à cause des barrages auront accès à l’établissement du second degré le plus proche de leur domicile’. Quant aux enseignants, ‘ils peuvent rejoindre un établissement proche qui n’est pas leur lieu d’affectation officielle où ils devront se signaler dès leur arrivée’. Mais ce n’est pas écrit qu’ils doivent le rejoindre, ce n’est donc pas une obligation », rajoutant « on n’a jamais vu une telle réaction de la part d’un VR depuis 2005 ».
Henri Nouri, co-secrétaire départemental FSU Mayotte, rappelle que « les enseignants ont des établissements d’affectation et d’exercice, ce ne sont pas des équipes mobiles qu’on peut déplacer au gré des besoins. Quel serait le sens d’une telle démarche si ce n’est d’organiser une vaste garderie ? »
Il appelle à participer « massivement », dès cette rentrée, à la grève pour laquelle la FSU a déposé un préavis : « Nous invitons nos collègues à ne pas prendre de risques inutiles en s’aventurant sur des routes barrées sans garantie de retour chez eux. »
La déscolarisation en dégât collatéral
Et expose leurs revendications, « la stabilisation, l’attractivité pour les titulaires et la mise en place d’un plan de titularisation des contractuels. Pour rappel, le SNES-Mayotte revendique l’attribution de l’ISG pour ceux qui ont perçu l’IE dégressive, la hausse de l’indexation au minimum au niveau de celle de la Réunion (1,53) et l’attribution par agent de l’ISG avec un montant de 25 mois de salaire au lieu de 20 mois actuellement. »
De son côté, la CGT Educ’action relève que le courrier de la vice-recteur fait état d’une rentrée en « mode dégradé », « mais cela fait déjà plusieurs années que notre service public d’éducation fonctionne en ‘mode dégradé’ tant les moyens matériels et humains manquent ». Le syndicat attendait des précisions sur le Plan de sécurisation des établissements et des transports scolaires, et propose pour cette rentrée de « fermer les établissements scolaires dans l’attente de retour à des conditions de sécurité acceptables ».
Dans un 1er communiqué l’UNSA Education indique son soutien au mouvement sur le fond mais pas sur la forme, « les enfants de nouveau qui à chaque crise se retrouvent hors de l’école. Certains, depuis de la rentrée d’août 2017, n’ont eu accès à l’école que sur 2 voire 3 mois, les entreprises qui sont exsangues, les chantiers qui sont bloqués, les habitants de l’île qui sont la proie des violences quotidiennes et qui en double peine sont bloqués, rationnés, interdits d’accès aux soins, inquiets… » Et émet l’idée de « passer la main aux élus » qui « doivent monter à Paris ».
Dans un second, il est fait état d’un « positionnement solidaire à l’égard du collectif et de l’intersyndicale », et d’un appel à rejoindre le mouvement mercredi 14 mars, « et ce, jusqu’à ce que l’Etat apporte des réponses adaptées à une situation que le peuple maorais subit depuis trop longtemps. La semaine dernière, le Préfet a reçu la fédération UNSA Education : pour le SE-UNSA, les solutions apportées aux questions de sécurisation des sites scolaires ne sont pas convaincantes. » Le durcissement est expliqué par « la colère aggravée » par la réception du courrier du vice-rectorat.
Finalement, beaucoup de monde va se retrouver dans la rue demain, et surtout beaucoup de jeunes à proximité des barrages…
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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