Après avoir eu un premier contact difficile mais franc avec la population, Annick Girardin a rencontré les patrons. Avec un premier couac, la colère de Guillaume Jaouen, conseiller des élus, qui voulait présenter à la ministre le document SRDEII, la Table des revendications des leaders de la mobilisation, enrichi des propositions patronales, soit 61 au total, mais qui n’en a pas eu l’occasion, « c’est inadmissible, on veut nous diviser ! », tonnait-il dans la Maison de l’Entreprise.
La ministre aura attendu pendant des heures les élus auxquels elle devait remettre ses annonces, coincés sur les barrages à Tsingoni pour avoir voulu se retrouver dans le sud ce lundi matin. Ils étaient une quinzaine au final, dont une majorité de maires. Des élus dont la division apparaît maintenant au grand jour.
Ce sont donc les journalistes qui auront eu la primeur des avancées. Les plus spectaculaires sont le maintien sur le territoire jusqu’à la fin de l’année scolaire, de 60 gendarmes supplémentaires (l’escadron arrivé ce début mars), la pérennisation du demi-escadron de gendarmes mobiles affecté depuis 2016 (une trentaine de gendarmes), la création d’une brigade de gendarmerie à Koungou, l’augmentation de 50% des effectifs de la réserve territoriale de la gendarmerie (60 réservistes), et l’arrivée de nouveaux renforts comme on peut le lire dans le (Communiqué de presse – Ministère des Outre-mer et Ministère de l’Intérieur – Mesures de sécurité Mayotte).
3 missionnaires qui n’ont rien de rois mages
Contre l’immigration clandestine, la ministre crée ce mois-ci un Etat-major opérationnel de lutte contre l’immigration clandestine, à terre et en mer, sous la direction d’un sous-préfet – chef d’Etat-major, Engagement et garantie une capacité d’intervention H24 en mer par ces moyens renforcés et grâce à une nouvelle organisation du dispositif de lutte contre l’immigration clandestine, quant au patrouilleur Le Malin, il est déjà sur place.
Surtout, elle est venue avec 3 missionnaires : l’ancien préfet de Mayotte Jean-Jacques Brot, le général Lucas Lambert, directeur de la Gendarmerie de l’Outre-mer et Jean Courtial, Conseiller d’Etat : « Ils vont rester sur le territoire jusqu’à ce que j’y revienne, avant mi-avril, et devront suivre la lettre de mission signée de ma main, comprenant 5 piliers, la lutte contre l’immigration clandestine, la Coopération avec les Comores, le Plan d’investissement public, le renforcement de services de l’Etat, le Fonctionnement des institution du territoire. » Il s’agit de répondre aux besoins en matière d’Education, de lutte contre l’habitat illégal, etc. Ils vont impulser une « nouvelle méthode de travail », pour « préparer le Mayotte de demain ».
Justement le Mayotte de demain, les leaders de la mobilisation en ont une petite idée, déclinée sur 61 mesures en comptants celles des chefs d’entreprise. Compte-t-elle l’utiliser comme base de négociation ? « Je préfère utiliser le thème de co-construction. Entre la Table des revendication de la mobilisation et les documents issus des Assises des Outre-mer, il y 80 à 90% de demandes similaires.
Différenciation des départements d’Outre-mer
On l’a compris, avec les ministres de La République En Marche (LREM), le « Vieux monde » est derrière nous, « on ne va pas vous donner un budget à coller en bas de page sans réfléchir à la façon dont on va le mettre en place. Une méthode qui a échoué jusqu’à présent ». Sauf que ce Vieux monde a fait bénéficier de nombreux territoires d’investissements structurants que Mayotte n’a jamais eu. Et que pour passer au nouveau monde, il faut déjà avoir un nombre suffisant d’établissements scolaires, d’hôpitaux, un assainissement fonctionnel, des compétences au pouvoir, etc. Après, on pourra passer à une réflexion sur la mise en place d’une nouvelle méthodologie.
Ce qui avait été perçu par la population comme une remise en cause à mot feutré du statut de Mayotte avait fait se lever les foules la semaine dernière. « Mayotte est département est le restera ». Mais une évolution constitutionnelle est en réflexion sur le plan national, « et pour toutes les collectivités françaises, nous introduirons une notion de différenciation, nous allons adapter les conditions du département au territoire ». Exemple : « Les Départements qui ne peuvent plus assumer le RSA comme la Guyane ou Mayotte, se sont tournés vers l’Etat. C’est la même chose pour la petite enfance où le Département nous dit qu’il n’a pas l’ingénierie pour. »
Négociations ou co-construction ?…
La ministre n’aura pas rencontré l’Intersyndicale qui nous faisait passer un message destiné on l’imagine, au préfet Frédéric Veau : « Monsieur, nous ne cautionnons pas le mépris avec lequel Madame la Ministre continue à traiter toute la population de Mayotte, arrivée à Mayotte sans information préalable pour nous prendre au dépourvu, tentative de division des acteurs (division des élus), alimentation du communautarisme par rassemblement d’immigrés place de la République lors de son show à l’endroit de la plèbe, surtout aucune intention de mener de véritables négociations sur nos revendications mais des tentatives de division et manipulation des médias. Le collectif et l’intersyndicale refusent de s’associer à cette mascarade.
Nous demeurons néanmoins ouverts à de véritables négociations. »
La ministre ne manque pas de volonté, et Annick Girardin a décidé de prolonger son séjour à Mayotte, « il m’apparaît indispensable que je rencontre les leaders de la mobilisation ». Cette nuit Mahoraise aura-t-elle porté conseil ? Pour permettre d’un côté de comprendre profondément les carences de ce territoire et de ses porte-paroles soutenu par l’ensemble de la population, et de l’autre, qu’on ne peut pas exiger la venue d’un ministre, et râler sur son arrivée précipitée. L’enjeu reste le document des 61 mesures que pour la 1ère fois, des citoyens Mahorais sont parvenus à construire et qu’ils ne braderont pas.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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