C’est avec les épaules chargées que les élus de Mayotte prennent l’avion pour Paris : ils doivent défendre les 101 mesures de la Plateforme revendicative des leaders de la mobilisation, enfin celles qui n’ont pas été mises en suspens, « comme la piste longue ». Ces derniers ne sont pas conviés, et si la pilule a été difficile à avaler pour ces lanceurs d’alerte, ils ont tenu une réunion ce samedi à Tsingoni, pour cadrer les échanges avec le premier ministre Edouard Philippe lors de la rencontre le 19 avril.
Les élus conviés à Paris, les 4 parlementaires, 2 conseillers départementaux, le président Soibahadine Ibrahim Ramadani et Ben Issa Ousseni, en charge des finances, et non Issa Abdou comme initialement prévu, 2 maires, Saïd Omar Oili, président de l’Association des maires, et Mohamed Bacar, n’ont pas tous assisté à la réunion de Tsingoni, ce qui rend l’exercice délicat. C’est pourquoi les leaders ont adressé un communiqué (Lire Projet de lettre ouverte aux élus) pour mettre les choses au point.
Primo, ce qui n’est pas négociable : « Le statut de Mayotte Département Français régi par l’article 73 de la constitution ne peut être remis en cause par un quelconque toilettage institutionnel ». Premier écueil : le président Soibahadine, défend mordicus son toilettage institutionnel pour récupérer les compensations des compétences d’une région que Mayotte exerce déjà partiellement. Ce qui ne remet pas en cause l’inscription à l’article 73.
Sur la même voie du sens interdit, la feuille de route « ou tout autre projet de coopération visant à faciliter la circulation des hommes sur un périmètre strictement régional sera considéré comme une trahison quel que soient les enjeux diplomatiques ». Deuxième écueil, il y a fort à parier que la feuille de route soit l’enjeu des discussions actuelles entre l’Union des Comores et le gouvernement français.
Des routes, pas des préaux
Deuxième point, les deux motifs initiateurs du mouvement, luttes contre l’insécurité et contre l’immigration clandestine, restent la préoccupation majeure de la population. Or, « les mahorais constatent que la situation s’est empirée malgré les grandes annonces de mesures d’urgence du gouvernement. Les ‘kwassa’ accostent sur nos plages par contingents au vu et au su de tous, et le niveau de cambriolage reste très soutenu. » Le dispensaire de Koungou, visité par Dominique Voynet, faisait notamment état de 6 nouveaux patients récemment arrivés quotidiens, ces dernières semaines. Les effets du blocus des reconduites par les dirigeants comoriens, qui vient d’être allégé ce week-end.
Troisième et dernier point, décliné au pluriel, le sous-investissement structurel dont a été victime Mayotte, et qui devra être largement abordé notamment en présence de la délégation interministérielle lors de la remise de son rapport : « L’alignement de Mayotte aux standards commun avec la métropole exige un plan d’investissement exceptionnel, qu’il s’agisse de l’éducation, de la santé, du réseau routier à créer, de la piste longue d’atterrissage, du Port de Longoni, de la liaison entre les deux îles, de l’assainissement, de l’habitat et du logement etc., pour ne citer que cela. Les mahorais ne sont plus en mesure de se contenter des mesurettes de réfection de caniveaux ou d’extension de préau en guise de réfectoire dans les écoles. Entretemps, au nom de l’égalité réelle, la continuité territoriale doit jouer pleinement son rôle dans tous les domaines (éducation, santé, justice, etc.) »
Le Collectif et l’intersyndicale alertent les élus sur l’épée de Damoclès au dessus de leurs têtes : « La population reste attentive et vigilante sur l’issue de ces échanges parisiens pour décider des suites à donner à la mobilisation en cours. Elle espère voir s’affirmer l’unité annoncée, l’unité et l’affirmation des élus dans cette vision ambitieuse de Mayotte et dans son ancrage dans la République. »
A.P-L.
Lejournaldemayotte.com
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