Depuis que les électeurs Mahorais lui ont préféré Mansour Kamardine aux dernières législatives, l’ancien député Ibrahim Aboubacar était resté muet. Absent de tous les débats de société depuis le début de la crise sociale, lui qui avait pourtant conduit un atelier portant sur le cadre institutionnel lors de l’écriture du Plan Mayotte 2025.
Il nous faisait néanmoins part de son mécontentement le 11 avril, à la suite des propos tenus par le président Soibahadine Ibrahim Ramadani, lors de l’émission Kalaoidala sur Mayotte la 1ère . Impliqué lui aussi dans les propos, le parti socialiste réagit dans un communiqué. (Communiqué de presse du 17 AVRIL 2018)
On peut créditer Ibrahim Aboubacar d’avoir le premier critiqué le libellé de la question référendaire du 29 mars 2009, qui évoquait « une collectivité unique appelée département », lui qui avait préparé avec d’autres élus du département, une proposition pour une évolution statutaire de Mayotte, Département et Région.
Ce que confirme le PS : « Le travail porté par Ibrahim Aboubacar visait simplement à parachever la départementalisation et la régionalisation de Mayotte en obtenant plus de moyens et en modifiant le mode de scrutin pour l’adapter à l’exercice des compétences régionales de notre département. »
La roue tourne…
Lors de l’émission, le président Soibahadine expliquait qu’à l’issue de l’atelier mené par Ibrahim Aboubacar, « le document d’Etat Mayotte 2025 faisait mention d’un ‘toilettage institutionnel : pour une vraie collectivité unique’, je n’ai donc pas moi qui l’ait inventé ! », lançait-il.
Il y en a un qui doit sourire dans son coin. Le sénateur Thani Mohamed Soilihi était parvenu, en juin 2016, à faire adopter en commission des lois, porté par Gérard Larcher, la révision du mode de scrutin, élevant de 26 à 39 le nombre de membres de la future « assemblée de Mayotte » qui se substituerait au conseil départemental, à compter de mars 2021. Avant que l’ensemble des élus de Mayotte*, ne votent contre… pour mener à bien le toilettage institutionnel. Ironie de l’histoire, si toutefois quelqu’un a encore envie de sourire, le sénateur avait initié la démarche à la demande des conseillers départementaux eux-mêmes, ceux de l’ère Zaïdani.
Pour le PS et l’ex-député, le président Soibahadine est allé plus loin que cette seule révision, « les Mahorais ont compris que le Président du CD976, qui a détourné le sens initial du toilettage institutionnel, cherche à rejeter la responsabilité de ses échecs sur les autres ».
Conseillé par le maître de conférence en Droit public Thomas Msaïdié, le président a en effet souligné que le Département tel qu’il est défini ressemble à du Canada dry, à moitié rempli de sa substance, et que son statut doit évoluer vers une autre appellation. Hors de question avait-il dit de le nommer « Collectivité départementale », qui était le statut de Mayotte avant d’être « appelée ‘Département’ », telle que le mentionne le référendum. Le nom de « collectivité territoriale » avait été avancé.
Enième confirmation du premier ministre
Ce toilettage institutionnel est théoriquement inscrit à la Loi Egalité réelle, mais l’actualité avec la frilosité dénoncée dans le journal Le Monde, du ministère des Affaires étrangères de conserver cet encombrant 101ème, sous la forme actuelle, a agité les esprits au point où certains commençaient à tomber dans les pommes au simple terme de « changement de statut », et à l’idée que cette révision puisse émaner de la tête même de leur Département.
L’annonce du premier ministre Edouard Philippe indiquant que Mayotte restera un département français régi par l’article 73, parviendra-t-il à ramener la raison dans les cerveaux ? On l’espère.
Le parti socialiste de Mayotte redonne sa position : pas de remise en cause du statut de département d’outre-mer, « un combat de plus de 50 ans enfin gagné », mais obtention des dotations pour les compétences régionales, « c’est cela le sens que nous donnons au toilettage institutionnel. »
Pour finir, le PS en profite pour égratigner Soibahadine sur son bilan depuis plus de 3 ans, constatant « aucune amélioration à la vie quotidienne des Mahorais. Les routes sont saturées, le département est de plus en plus sale, une gestion du personnel où le clientélisme et la gabegie sont pointés du doigt par la chambre régionale de compte, les terrains appartenant au CD976 sont occupés illégalement par des clandestins et jamais il n’y a eu une seule demande d’expulsion. Nous voyons bien que l’affirmation des républicains consistant à dire que « tout va mieux quand ils sont au pouvoir » est un mensonge éhonté. »
Un toilettage qui salit à peu près tout le monde, donc.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
* Un bloc composé du député Aboubacar, du président du département Soibahadine Ibrahim, du président de l’Association des maires Saïd Omar Oili, du député Boinali Saïd Toumbou, et du sénateur Abdourahamane Soilihi
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