Alors qu’à plusieurs milliers de kilomètres de là, aux Etats Unis, se tenait mardi la conférence des développeurs initiée par Facebook que son directeur Mark Zuckerberg positionne sur le marché des rencontres en ligne, à Mayotte, on parlait développeur aussi, autour d’une petite table de la Maison de l’Entreprise ce mercredi.
Prenant appui sur l’événement phare de la Webcup organisée le week-end prochain, la Chambre de commerce et d’Industrie de Mayotte et le GEMTIC, organisent la « quinzaine du numérique ». Et pour son lancement, deux « vieux de la vieille », et le plus ancien est plutôt bien conservé, revenaient sur ce qui avait transformé leur innovation en réussite. Après avoir essuyé quelques échecs.
On l’oublie, mais André Girardeau a été le précurseur du Haut Débit à Mayotte en créant STOI (Société de télécommunications Océan Indien) en 2006, quand toute l’île était encore plongée dans la lenteur des connexions. Il fallait y mettre le prix, mais la connexion satellite permettait de rester en prise avec la réalité de la métropole avec une vitesse raisonnable.
L’arrivée de LION 2 en 2012 fait chuter le prix des connexions a contrario de leur rapidité. André Girardeau avait été obligé de s’adapter pour survivre, en créant son propre réseau.
Réfléchir plus vite que la connexion
A ses côtés, Feyçoil Mouhoussoune, créateur de ETIC (Entreprise des Technologies de l’Information et de la Communication), en 2008. Il est développeur de formation, c’est à dire qu’il réalise des logiciels, « un travail long et qui ne rémunère pas immédiatement. » C’est dans un cagibi qu’il se lance donc dans le dépannage de PC « pour des potes », et touche sa première rémunération 6 mois plus tard. Sans ADSL et sur un marché aussi particulier qu’est Mayotte, il faut innover.
Contrairement à André Girardeau qui a dû se lancer dans une innovation technologique, il s’agit ici d’adapter les services aux besoins de la clientèle. Attention, débutants s’abstenir ! « Nous avons développé le premier Framework (la structure qui établit les fondations d’un logiciel), qui permet de transformer par exemple un fichier Excel en application », explique Feyçoil Mouhoussoune.
Pour sa deuxième innovation, il utilise le Cloud Computing, le stockage de données à distance via internet, mais il n’est pas le seul, « d’autres ont inondé le marché mondial avec des solutions grand-public, ce fut un échec ». Il va adapter son projet au marché de Mayotte et ses problèmes de temps de latence, en répondant à aux besoins spécifiques des entreprises.
Peu de consommateurs d’innovation
Nous n’irons pas plus loin dans la jungle des termes propres à ce secteur, mais nous en déduisons avec Feyçoil Mouhoussoune une première conclusion : « L’innovation peut venir d’une nécessité de survivre, ou de s’adapter à un marché spécifique comme Mayotte. Si on n’anticipe pas assez, notamment avec de nouvelles technologies, on meurt. D’ailleurs, peu ont survécu dans le secteur des services informatiques. »
Un secteur pas des plus reposant où il faut être en permanence « en veille ». Vous avez un ami qui fait une thèse sur les risques naturels à Mayotte, et qui a besoin d’un prototype de prévision de la vulnérabilité de l’ensemble des zones de l’île ? Feyçoil est là pour vous dénicher la solution, « en croisant deux domaines informatiques, Big Data et les Systèmes d’Information Géographique, nous avons obtenu un prototype. » Oui mais voilà, en dehors de votre pote géographe, qui va être intéressé à Mayotte ?
« C’est un des problèmes majeurs, nous avons besoin d’incubateurs, de porteurs de projet »… une espèce encore rare à Mayotte, « on pourrait quand même se lancer davantage dans l’innovation sociétale », appelle-t-il de ses vœux. André Girardeau déplore la période de crise comme nous venons de vivre, « cela repousse les gens, alors qu’il y a tant à faire, il existe des marchés phénoménaux ici pour qui veut bien investir. » Et un bien vivre que beaucoup savent apprécier, n’en déplaise aux grincheux.
Pour prendre le relais, sont annoncés la prochaine création d’une technopôle et d’un incubateur à Mayotte.
Morale de l’histoire, que ne dédirait pas le créateur de Facebook, « l’innovation, il ne faut pas s’y lancer les yeux fermés, ça se manage ».
Comme le résumait le président de la CCI, Mohamed Ali Hamid, « si nous avons affaire à deux pionniers façon Farwest, beaucoup reste à faire et le programme* de la quinzaine du numérique va y participer. »
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
* Les 5 et 6 mai : Le temps fort de l’évènement, la Webcup, au Centre d’affaires de Kaweni, à 24 heures pour créer un site internet, qui chaque année permet aux talents du web mahorais de s’affronter un sujet commun aux îles de l’Océan Indien
Le 11 mai : Matinale dématérialisation des factures et délai de paiement « Chorus pro » à 9h00 au siège de la CCI Mayotte, animée par la préfecture de Mayotte
Le 14 mai : La Remise des prix Webcup à la Maison de l’Entreprise, 14h00 qui permettra aux participants de la Webcup de présenter leurs travaux.
Nous saurons ainsi qui défendra les couleurs de Mayotte, lors de la prochaine finale Océan Indien de la Webcup.
Une après-midi à destination des jeunes pour découvrir les métiers du numérique, en présence des entrepreneurs.
Une initiation au prototypage 3D sera proposée pour découvrir les outils d’innovation proposés par la Maison de l’Entreprise.
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