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vendredi 10 mai 2024
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Première rentrée scolaire pour le futur recteur

Stephan Martens, nouveau vice-recteur, vit sa première rentrée à Mayotte. Nommé pour quatre ans, il est notamment chargé de transformer le vice-rectorat de Mayotte en rectorat de plein exercice. Accompagné de son directeur de cabinet, Didier Cauret, il répond aux questions du JDM pour cette rentrée scolaire 2018.

Le cap symbolique des 100 000 élèves à Mayotte est franchi cette année, lui donnez-vous une signification particulière ?

Stephan Martens, vice-recteur – Le vice-rectorat est là pour scolariser tous les enfants, ce n’est pas une question métaphysique : est-ce qu’on peut accueillir ou ne pas accueillir ? Non, on doit les accueillir  après c’est une question d’organisation, d’ajustement. Une fois que la rentrée se passe, les personnels, les corps d’inspection et évidemment les enseignants aussi, sont sur le pont pour que les élèves soient accueillis dans des conditions les plus confortables possible.  Le fait qu’il y a 4000 élèves de plus par rapport à l’année dernière s’explique bien sûr par  l’évolution démographique, mais aussi l’amélioration du taux d’accès à tous les niveaux, notamment en 6e, 3e, 2nde et 1ère.

L’île connaît un essaim de séisme depuis 3 mois. Quel  est l’état des établissements scolaires ?

 SM – Il y  a 7 établissements scolaires,  collèges ou lycées, qui ont été touchés, donc on s’organise pour qu’il y ait soit des rotations, soit des préfabriqués. Il y a un temps de réparation nécessaire, normalement d’ici mi-septembre la plupart des classes seront réparées. On ne prend aucun risque, que les parents soient rassurés tous les bâtiments ont été analysés, contrôlés. Tous les bâtiments sont d’ailleurs ouverts, seules certaines parties sont fermées.

Le collège de Koungou ne figure pas dans la liste, il semble pourtant endommagé. Avez-vous des précisions à apporter sur cet établissement ?  

Didier Cauret, directeur du cabinet du vice-recteur – Les salles ont été étayées, les classes sont donc autorisées à recevoir des élèves. Ce n’est pas esthétique, mais d’un point de vue de sécurité ça ne pose pas de problème. On a déjà une crise de place, on ne peut pas faire autrement.

Quels élèves doivent être déplacés ?

DC – Les 6e du collège de Dembéni vont aller au collège de Kwalé, les 5e vont à Chiconi. Environ 500 élèves vont être accueillis  dans chaque établissement, il en restera 750 à Dembéni. Il y a deux étages de fermés, plus pour des raisons d’évacuation. L’expert a estimé que l’évacuation pourrait se révéler difficile et qu’il fallait mieux ne pas utiliser ces étages-là. De plus, il y a une malfaçon d’origine au collège de Dembéni avec 40 % de résistance du béton en moins. Une étude est en cours pour savoir quel va être le devenir du bâtiment, soit on rase, soit d’importants travaux de consolidation  seront entrepris. Mais pour cette année scolaire, on rapatrie tous les élèves dès janvier 2019. On va installer 24 modulaires sur le parking à l’entrée du collège, donc l’équivalent de 24 classes.

Pour le collège de Tsimkoura il y a eu un affaissement du terrain sous un bâtiment de 5 classes, dont l’accès est aujourd’hui interdit. On va mettre en place des modulaires, il n’y aura pas de déplacements d’élèves.

Combien d’élèves, de classes sont concernées sur Mayotte ? 

SM – Ce qu’il faut dire c’est qu’aucun élève ne sera à la porte. Pour les parents, le plus important, c’est que leurs enfants soient accueillis dans des conditions favorables. On a une échéance de 4 à 5 mois pour faire face à la plupart des situations.

Autre question d’actualité. Certains de vos personnels, notamment enseignants, sont étrangers. Ils n’ont plus accès au bureau des étrangers depuis sa fermeture, certains se retrouvent sans papiers. Comment est gérée leur situation ?

SM – Nous connaissons la problématique, nous sommes évidemment en concertation avec la préfecture. On voit le préfet vendredi, on aura l’occasion d’évoquer le sujet. La préfecture est consciente du problème. Mais c’est pour l’instant l’impasse, je ne peux pas vous dire si ces personnes si elles n’ont plus de titre valide vont pouvoir travailler. En terme réglementaire, on ne peut employer des personnes en situation irrégulière. Mais de notre côté nos moyens sont limités pour régler cette situation. Les enjeux sont aussi diplomatiques.

Comment s’envisage cette rentrée après les nombreuses fermetures d’établissements scolaires, conséquences du mouvement social, l’année scolaire dernière ?

SM – Je fais ma première rentrée en tant que vice-recteur, après ces événements-là. Moi  je ressens ces conséquences sur les résultats du bac, ça a été moins bon que d’habitude. Ces trois mois de conflit dur ont eu des conséquences sur le niveau des collégiens et des lycéens avec des résultats moins bons au bac. Maintenant, on passe à autre chose, c’est une nouvelle rentrée, les équipes sont là et y croient, que ce soit les personnels de direction, les enseignants ; les corps d’inspection sont prêts à aller au taf pour accompagner les enseignants et bien sûr les élèves. L’objectif encore une fois c’est la réussite de nos élèves, dans des conditions spécifiques qui sont celles de Mayotte, on est bien conscient des spécificités de ce territoire. L’objectif est la réussite de nos élèves dans  de bonnes conditions d’accueil et de sécurité.

Symbole des violences scolaires, le hub de Kahani est-il sécurisé ?

DC – Des travaux étaient effectivement prévus. L’Éducation nationale a pris volontairement une part dans ces travaux alors que ce n’est pas son territoire, le hub de Kahani appartient à la commune de Kahani. Néanmoins, on avait décidé que l’Éducation nationale construise une clôture autour du hub qui était intégré à un projet de réfection complète de clôture du lycée. Les travaux continuent. La partie lycée est terminée et on a commencé  à faire la partie hub. On ne maitrise pas une autre partie des travaux dévolue à la commune d’Ouangani, qui concernait l’aménagement de l’abribus, l’éclairage et la vidéo protection.

Quel est votre point de vue sur le droit de retrait qu’ont pu exercer certains enseignants pour des questions de sécurité l’année scolaire précédente?

SM – C’est un droit, je suis convaincu qu’il faut voir au cas par cas. On peut comprendre que des enseignants se sentent menacés. Je ne vais pas les critiquer a priori parce qu’ils exercent leur droit de retrait. À voir selon les cas.

C’est l’école de la confiance, c’est le fil rouge  depuis l’arrivée du ministre Blanquer à l’Éducation nationale, je pense que la formule est adaptée, il faut reprendre confiance en l’école. L’Éducation nationale n’est jamais un long fleuve tranquille, c’est d’ailleurs ce qui fait son charme.

Quel pouvoir peut avoir le vice-rectorat sur un maire qui décide de fermer une école ?

SM – L’intérêt commun est de scolariser nos enfants et que les choses se passent  bien. Je n’ai pas encore été confronté à ce type d’incidents graves :  monsieur ou madame le maire qui décide de fermer sans concertation. Je pense que ça passe par le dialogue, je n’imagine pas autrement les choses. Si ça devait arriver, la première chose à faire est d’aller voir le maire et discuter.
Pour l’Éducation nationale, c’est inadmissible, il est hors de question de laisser les enfants dans la rue ou ne pas les scolariser, pour des raisons qui parfois nous échappent ou sont politiques.

DC – Le maire est obligé de faire scolariser les enfants de sa commune. Dans le pire des cas si une école est fermée, il se doit d’organiser une répartition des élèves de manière à ce qu’ils soient scolarisés.

Pourquoi y a-t-il toujours tant d’écoles en rotation ? Les rythmes scolaires peuvent-ils fonctionner à Mayotte ?

DC – Il y a ce qui relève du politique et ce qui relève de l’organisationnel. Je me souviens qu’à Ouangani, ils ont été obligés de fermer en partie une école, et là  on a été obligé de revenir en rotation parce qu’il n’y avait pas d’autre solution. Les rythmes scolaires ont eu du mal à s’installer, ça se fait progressivement , ce n’est pas encore au bout et ce qui pourrait être dommage, c’est de faire fi de ce travail et de revenir sur la rotation.

Car il faut se dire que c’est difficile pour les élèves, les rotations c’est 5 heures de cours, c’est 7h-12h, non-stop  avec une petite pause. Et après c’est, pour ceux du matin,  retour chez eux : que font-ils chez eux pendant cette demi-journée ?

La demande globale des parents c’est que les enfants soient pris en charge.

SM – Je tiens à préciser qu’un rapport de l’inspection générale de l’année de 2018 de M. Brisset a insisté sur le fait que l’organisation de ces rotations n’était pas si mal que ça. C’est un  moindre mal quand c’est bien organisé notamment grâce aux corps d’inspection. Ce n’est pas une catastrophe en soi.

Bien sûr l’idéal c’est d’avoir des classes normales, mais vu le contexte, le rapport d’inspection générale a tout de même pointé le fait que ça fonctionnait plutôt bien. L’inspection générale n’a pas pour habitude de faire des cadeaux, si elle avait trouvé une catastrophe, elle l’aurait dit.

Il y a aussi dans une même école une partie en rythmes scolaires et une partie en rotation, tout dépend du ratio entre le nombre de salles et le nombre de classes.

Faut-il craindre des carences d’enseignants ?

DC – Non, les chiffres que nous avons pour l’instant sont plutôt positifs. Par exemple nous avons beaucoup de difficultés à recruter des enseignants en français. L’année dernière, il restait à cette époque-là, une vingtaine de contractuels à recruter, là on n’est à peine à 5. Le solde sur les titulaires est à + 65, 200 sont partis, mais 265 sont arrivés.

On augmente les postes, donc on augmente la part des contractuels.

Comment fonctionne le dédoublement des classes pour les CP ? 

DC- On a tous les cas de figure. On a des CP uniques dans lesquelles nous sommes obligés d’avoir les 24 élèves, surtout en REP (réseau d’éducation prioritaire), car la mesure a plutôt été mise en place sur les REP +.

Il y a également des classes avec 24 élèves et deux enseignants, c’est donc du co-enseignement. Dans ce cas, c’est les mêmes activités menées par deux enseignants. Les élèves bénéficient donc de deux fois plus de temps d’enseignant.

 294  CP sont en co-enseignement et 222 à effectif réduit sur un total de 516 CP.

Y a-t-il de plus en plus de non-scripteurs et de non-lecteurs à l’entrée en 6e ?

DC – Il y a certes une augmentation des effectifs en 6e, mais il y a une augmentation des compétences des élèves à la sortie du CM2 parce qu’on a une augmentation des compétences des enseignants dans le primaire.

SM –  La non-maitrise de la langue française reste un problème récurrent. Il y a un effort important qui est fait sur la formation des enseignants du 1er degré et des enseignants en général. C’est quelque chose qui va aller crescendo notamment avec le passage du vice-rectorat au rectorat. Un plan de formation est destiné aux personnels. La formation est d’ailleurs une forte demande des enseignants. L’accent est mis sur le primaire au niveau national, et bien évidemment c’est  décliné sur les territoires, dont Mayotte.

Quelle est la place des langues maternelles dans l’enseignement à Mayotte ?

DC – Le problème ici est qu’il y a plusieurs langues maternelles, entre quelqu’un de Chiconi et quelqu’un de Sada, ce n’est pas forcément des gens qui peuvent se comprendre.

SM – Les langues maternelles ici ne sont pas reconnues langues régionales, donc on n’est pas dans le cas de figure des créoles aux Antilles, en Guyane et à La Réunion.

C’est un problème réglementaire pour l’instant, ça ne peut venir que d’une décision ministérielle qui aura dépêché une mission sur le sujet.

Quelles sont les constructions en cours ?

DC – Le collège de Bouéni va ouvrir à la rentrée de janvier 2019. Les élèves qui vont aller dans  ce collège sont actuellement entre Tsimkoura et Kani-Kéli. Le projet le plus avancé c’est le lycée des métiers du bâtiment à Longoni, c’est un beau projet. L’ouverture est prévue entre 2021 et 2022. On a deux autres lycées en cours de route, un dont on a déjà défini tous les enseignements et qui sera à Kwalé et le lycée du Nord à M’Tsangamouji. Ce qui fait que la Cité du Nord qui à l’origine est un collège, devenu un lycée, redeviendra un collège. Ça va permettre d’alléger les effectifs entre M’Tsangamouji, Acoua et M’Tsamboro.

Doit-on vous appeler recteur ou vice-recteur ? 

SM – Mon statut est celui de vice-recteur, je suis vice-recteur. Comme j’ai été recteur par le passé, j’ai le titre de recteur à vie, car j’ai été en poste plus de trois ans.

À quand un passage au rectorat ? 

SM – C’est une promesse du gouvernement, du Premier ministre. Il a lui-même annoncé au printemps dernier la transformation du vice-rectorat de Mayotte en rectorat de plein exercice. J’ai les mains libres pour mener cette mission à bien. On ne peut pas précipiter les échéances parce qu’il y a des directives, des règlements des arrêtés ministériels à prendre, etc. C’est un travail technico-administratif qui prend du temps. Dans un an, un an et demi au plus tard, on pourra inaugurer ici un rectorat de plein exercice.

Qu’est-ce que ça va changer pour l’éducation à Mayotte ?

SM – Le vice-rectorat signifie est rattaché à la préfecture de Mayotte. En tant que vice-recteur, je suis sous l’autorité du préfet. Par contre, un rectorat est totalement indépendant de la préfecture, c’est-à-dire que vous aurez comme dans les quatre autres DOM, un rectorat de plein exercice avec deux autorités de l’État : le préfet et le recteur. Le préfet représente le gouvernement en général et le recteur représente le ministre de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur.

Au niveau administratif et financier, on sera indépendant. Aujourd’hui, il y a une tutelle préfectorale. Nous aurons les mains libres pour engager des fonds selon nos besoins, on n’aura pas à rendre compte à la préfecture. On va fluidifier notre fonctionnement : plus d’autonomie pour plus d’efficacité !

L’autre conséquence est que le recteur est également chancelier des universités, il a un droit de regard sur la légalité des actes d’un président d’université et participe au conseil d’administration. Ici, on aura surement un pôle universitaire rattaché à La Réunion, avec un système fédératif.

Par exemple la visite ministérielle du ministre de l’Éducation c’est la préfecture qui a la main, en tant que rectorat nous serions à égalité, sauf sur les aspects sécuritaires.

Quel est l’objet de la visite du ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer les 27 et 28 août prochains à Mayotte ?

SM – C’est une visite symbolique, car c’est la première fois qu’un ministre de l’Éducation nationale vient seul et se rend  au vice-rectorat à Mayotte. C’est un geste politique bien sûr puisque nous sommes en situation de transformation, c’est une volonté de venir sur le terrain comprendre les difficultés, prendre acte des enjeux et proposer des adaptations. Il n’y aura pas forcément l’annonce de nouveaux moyens, mais des déclinaisons de ceux déjà engagés.

C’est un ministre qui a une sensibilité particulière pour les DOM car il a été lui-même recteur en Guyane et qu’il s’est toujours intéressé aux territoires et départements d’outre-mer. Donc on peut s’attendre à une visite fructueuse et un ministre qui va comprendre les enjeux et les difficultés à Mayotte.

Il se rendra au vice-rectorat, j’en suis très heureux pour les personnels et il visitera un établissement de Petite-Terre et un établissement de Grande-Terre, mais je ne peux pas vous dire lesquels. Je pourrais vous en dire plus si j’étais recteur, mais pour l’instant c’est la préfecture qui organise la visite !

Propos recueillis par Axel Lebruman

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