Depuis la rentrée Thomas Waly Faye de nationalité sénégalaise est un professeur sans-papier. Thomas Waly est arrivé en situation régulière de métropole à Mayotte en août 2017. Titulaire d’un master 2 de droit, il postule alors au vice-rectorat et obtient un poste de professeur de français au collège de Koungou. L’année scolaire se passe bien, le jeune sénégalais de 31 ans obtient donc une nouvelle affectation pour la rentrée 2018.
Détenteur d’un titre de séjour jusqu’en novembre 2017, Thomas se rend à la préfecture peu après la rentrée 2017 avec, en main, son contrat de travail et son premier bulletin de salaire. Facilement, il obtient un récépissé de 6 mois, valable jusqu’au 23 mai 2018, le temps que son dossier soit traité. Habituellement ce type de démarches, le renouvellement d’un titre de séjour pour un salarié du secteur public, n’est qu’une formalité.
Mais dans ce laps de temps, le bureau des étrangers de la préfecture a fermé à la suite de la crise diplomatique avec les Comores et le Collectif de citoyens a pris place devant ses grilles.
Arrêté par la BAC
« Sans nouvelles de leur part, alors qu’il devait me donner un rendez-vous, je me rends sur place avant l’expiration du récépissé. Je me déplace à la préfecture, mais ils ne peuvent pas me recevoir », témoigne Thomas Waly Faye. S’en suivent de nouvelles tentatives, des dizaines d’appels au standard, de nombreux mails, toutes ces tentatives sont pour l’instant restées infructueuses. . Depuis le 30 juillet, impossible d’accéder au bureau de toutes les attentions, même sur rendez-vous.« Aujourd’hui, je suis sans papier, alors que je suis prof », déplore-t-il. Les conséquences ne sont pas anodines. Début août, l’enseignant a été arrêté par la BAC. “J’avais seulement mon passeport, je n’ai pas dit que mon récépissé n’était plus valide. J’ai tout de même était relâché, parce j’étais Sénégalais et pas Comorien”, relate horrifié Thomas Waly Faye.
Nouvelle tentative d’intrusion à la préfecture une semaine avant la rentrée, Thomas se rend devant le bureau des étrangers. « Mon club de sport n’est pas loin, j’ai pris l’habitude de passer presque quotidiennement devant pour voir s’il est possible de rentrer ». Accompagné d’un de ses compatriotes, également enseignant en difficulté administrative, leur présence provoque l’ire des manifestants du Collectif des citoyens de Mayotte. Depuis plusieurs semaines ce collectif et ses émanations, « bloquent » l’entrée du bureau des étrangers. Le blocage effectif est plutôt assuré par les forces de l’ordre, sur ordre de la préfecture, soucieuse de ne provoquer aucun débordement. Très vite les deux enseignants sénégalais s’éloignent pour éviter d’envenimer la situation, sous l’injonction d’un policier. Interrogés par le JDM, les manifestants assument et revendiquent le refus d’accès à n’importe quel étranger même si la nationalité comorienne est la première visée. « On n’a pas besoin d’Africains pour enseigner, ces gens-là sont les premiers à faire entrer d’autres étrangers à Mayotte », soutient un des manifestants, il se présente comme chauffeur de bus, mais souhaite rester anonyme. Et Razia Youssouf Ali, de la Confédération syndicale des familles, une des composantes du collectif, de renchérir : « on n’a pas besoin d’eux, les jeunes Mahorais sont capables d’enseigner. […] Les Mahorais d’abord ». Sauf que chaque année, la presque académie de Mayotte est en manque de prof. Cette année, les contractuels représentent 40 % des effectifs dans le secondaire.
Une perte d’emploi probable
« Tous les jeunes Mahorais qui peuvent faire ce travail, on les prend », contredit Didier Cauret le directeur de cabinet du vice-recteur.
Ce jeudi, Thomas Waly Faye a signé son contrat pour l’année scolaire au collège dans lequel il est affecté, malgré son absence de titre de séjour. « On nous a dit, à tous les profs, d’amener, le plus rapidement possible nos papiers d’identité. Je n’ai pour l’instant rien dit de ma situation, espérant qu’il y ait une évolution rapidement», témoigne M. Faye. Dans le cas contraire, il est probable qu’il perde son emploi dans les prochains jours.
« On ne peut pas employer quelqu’un de manière non réglementaire, on est là aussi pour faire appliquer les lois de la république » directeur de cabinet.
Une vingtaine de personnes pourrait être dans situation similaire à celle de Thomas Waly Faye dans l’Éducation nationale, mais aussi au CHM ou dans le secteur privé.
Une rencontre entre le préfet et le vice-recteur doit avoir lieu aujourd’hui pour trouver une solution à cette situation. Sans règlement diplomatique avec les Comores sur les reconduites, elle sera difficile à trouver.
Axel Lebruman
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