“Nous sommes derrière la Chine dans son combat pour Taiwan et la Chine nous soutient pour la réintégration de Mayotte dans son ensemble comorien”. En quelques mots, le président Azali Assoumani pose un des enjeux de sa visite en Chine. Plus qu’un partenaire commercial clé, le président, conforté par le référendum constitutionnel, cherche désormais un allié qui l’émancipe de l’influence française, à l’image de nombreux autres pays africains. Sur le plan diplomatique, la recherche d’un allié qui se range du côté d’une annexion de Mayotte par les Comores est précieuse pour Moroni. Même s’il est peu vraisemblable que Pékin agisse concrètement en ce sens, sauf à y trouver un intérêt majeur. La France reste aussi, pour Pékin, un partenaire commercial qui pèse.
Ceci dit, il est difficile de donner tort au président Azali lorsqu’il avance que “les investissements de la Chine sont visibles”. De fait, les entreprises et banques chinoises investissent massivement en Afrique depuis plusieurs années, et la force de frappe commerciale de Pékin en fait un bailleur de fonds privilégié pour des pays en voie de développement. Toutefois ces alliances ont un prix. La dette africaine a doublé en 5 ans, atteignant 57% de son PIB. “Il se trouve que la dette publique africaine est de plus en plus détenue par des créanciers privés qui sont beaucoup plus chers et moins accommodants que ceux publics. En ce qui concerne ces derniers, on note une suprématie de la Chine qui arrive en tête en détenant 14 % du total des dettes du continent africain” écrivait le journal La Tribune en juillet dernier.
“Depuis 2000, le gouvernement chinois, les banques et les entreprises du pays ont prêté 86 milliards de dollars (77 milliards d’euros) à l’Afrique” s’inquiétait Le Monde un mois plus tôt qui analysait ainsi la situation “Dans cette Chinafrique où pleuvent les milliards, Pékin tire les ficelles. Le banquier de l’Afrique a les reins solides et peut à tout moment exiger les remboursements ou, au contraire, faciliter les paiements. Un pays comme l’Afrique du Sud est aujourd’hui à la merci de l’économie chinoise.”
Mi-ange, mi-démon, la Chine reste un investisseur précieux pour le continent, qui est de son côté, un client incontournable pour Pékin. Le “donnant-donnant” est bien là, mais avec une nette relation de domination, contrairement à ce qu’avance M. Azali.
Dans ses propos retranscrits dans le journal Al Watwan, le président comorien cite aussi l’exemple de l’ex-colon britannique, affirmant que “les pays anciennement maîtrisés par les britanniques ne subissent jamais d’ingérence de la part de l’ancienne puissance colonisatrice. Une fois que ces pays atteignent la souveraineté internationale, les Anglais s’en vont et n’exercent aucune ingérence. ” C’est faire montre d’une analyse un peu réduite. D’abord parce que, contrairement aux Comores, toutes les anciennes colonies anglaises n’ont pas accédé à l’indépendance par un référendum, mais souvent au prix de nombreux morts. Ensuite, la plupart des pays du Commonwealth, l’organisation commerciale qui maintient des liens privilégiés entre Londres et ses anciennes colonies, ont conservé comme chef d’Etat… La Reine d’Angleterre. Elisabeth II est ainsi reine d’Australie et du Canada entre autres. L’île Maurice ne s’est émancipée de la Couronne qu’en 1992, en proclamant la République.
Le président comorien, décidé à draguer la Chine, le fait donc au prix d’un discours assez démagogique qui masque un risque réel pour son pays : celui de devenir tributaire de la dette chinoise, et d’y perdre son indépendance.
Y.D.
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