L’attentat contre Charlie Hebdo a sonné comme une alerte de la menace qui pouvait peser sur la liberté d’expression. L’exécutif à Paris a décidé d’expliquer à ceux qui vivent dans la République qu’il fallait aussi habiter ses valeurs.
Le Comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté (CIEC) prend des dispositions la même année, que va appliquer le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) en confiant aux Directions de la Jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS) la mise en œuvre d’un plan régional de formation « Valeurs de la République et Laïcité ». Il s’agit de tisser un réseau de personnes qui vont diffuser les bonnes paroles sur l’encadrement de la pratique des religions.
Selon une disposition pyramidale, les formateurs de niveau 1 suivent notamment un stage à Paris, pour ensuite former des acteurs de niveau 2, qui eux-mêmes livreront leur connaissances sur les principes de la laïcité à leurs collaborateurs de leurs réseaux professionnels respectifs.
6 formateurs de niveau 1 à Mayotte
Par exemple, pour Mayotte, il existe 6 formateurs de niveau 1, dont le directeur de l’IRTS (Institut Régional du Travail Social), Attoumani Mouhamadi et une cadre du CROS (Comité régional Olympique et sportif), Emeline Froger. Ils forment actuellement dans les locaux de la DJSCS, les niveaux 2 qui iront ensuite sur le terrain. « Des moniteurs éducateurs et des éducateurs spécialisés ont reçu cette formation de deux jours qui leur permettra d’intervenir au mieux auprès d’un public vivant souvent dans l’extrême pauvreté et qui pourrait être tenté par des discours de radicalisation », explique Attoumani Mouhamadi. Même objectif pour Emeline Froger « nous formons les stagiaires du BPJEPS qui vont œuvrer auprès des jeunes quand ils seront éducateurs sportifs. »
De quoi parlent-ils ? Marie-Claire Lombard-Donnet, Conseillère technique Education Populaire et de Jeunesse nous décrypte le discours : « Il s’agit de transmettre le socle commun de la République. A Mayotte, comme à Paris, Lyon ou Marseille, il s’agit de connaître les fondamentaux de la République française, les droits et les devoirs, de les respecter et de les défendre. » Et la laïcité fait partie de ces valeurs, « elle permet à toutes les religions d’exister. »
Prière de ne pas prier sur le lieu de travail
Cela passe par la notion de lieu de prière, « un fonctionnaire doit savoir qu’il lui est impossible de prier sur son lieu de travail, car c’est un espace public. La religion, c’est la sphère privée » Un message qui trouve son public selon elle, « ils sont tous très attentifs, avec une envie de connaître l’ensemble des valeurs. » Des variantes de la laïcité sont tolérées à Mayotte, et le kishali en est une, les habits religieux traditionnels du vendredi, une autre. « Nous sommes bienveillants. L’objectif n’est pas de combattre, mais d’expliquer que ces valeurs, une fois accaparées, sont partagées par tous. »
Un kit pédagogique d’intervention a été élaboré, qui cadre le discours des formateurs, mais en leur laissant le coudées franches lors des échanges : « Tous le monde apprend lors de ces formations, eux, nous, c’est un enrichissement mutuel au cours d’échanges intenses »
Le fait que le droit des cultes à Mayotte ne soit pas régi par la loi 1905, mais par le décret Mandel du 16 janvier 1939, ne change pas grand chose au principe de laïcité, « il est inscrit à l’article 1 de la Constitution de 1946, qui dispose que ‘La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale’ ».
En 2017, 3 formations de niveau 3 ont été mises en œuvre, en 2018, une seule, et 3 sont prévues en 2019, « l’objectif est de former 150 personnes par an. »
Anne Perzo-Lafond
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