Deux périodes sont étudiées, l’enveloppe 2007-2013, et 2014-2020. Mayotte ayant accédé au statut de RUP en 2012, elle n’a bénéficié des fonds qu’à compter de 2014, et n’est donc pas concernée par la 1ère enveloppe.
Entre les deux périodes, l’Etat a décentralisé, confiant le rôle d’autorité de gestion aux régions pour le FEDER et le FEADER, et à 35% pour le Fonds social Européen, conservant donc 65% de la gestion de ce dernier fond.
Or la Cour remarque que lorsque l’Etat conserve l’autorité de gestion, ce qui est pleinement le cas chez nous, « des tensions liées à la gestion des ressources humaines apparaissent, ce qui a été observé en Guyane et à Mayotte ». Un constat qui peut tenir à l’impossibilité de recruter des agents « en nombre suffisant pour mobiliser les crédits européens », « à l’inadéquation des qualifications de certains agents en place ou à l’instabilité des équipes ». Voilà qui fait réfléchir dans une période où l’Etat doit mettre en place une plateforme d’ingénierie à Mayotte dans le cadre du Plan Avenir…
La critique principale portée par la Cour des Comptes est à double détente : un taux élevé de consommation des fonds et une inégale qualité de gestion. En clair, les autorités de gestions, la Région pour les 4 premiers RUP, et l’Etat pour Mayotte, ont cherché à consommer à tout prix, même quand les investissements n’étaient pas performants.
Triplement des coûts des projets… et ça passe !
Quelques exemples sont donnés. En Guyane, les fonds ont financé à hauteur de 2,5 millions d’euros la construction et l’équipement d’une usine de transformation des produits de la mer. Un « investissement disproportionné par rapport à la fragile assise financière de la société », ce qui « n’a pas empêché les deux dirigeants d’augmenter leurs salaires de 30% ».
En Guadeloupe, le « Mémorial Acte », bâtiment dédié à la mémoire de l’esclavage, à la traite négrière et à leurs abolitions, a vu son coût grimper de 21 millions d’euros en 2006 à 76 millions d’euros en 2017, avec des « absences fréquentes de conformité des procédures de passation des marchés », des « coûts excessif de maitrise d’ouvrage », etc.
Idem, pour le Transport en commun en site propre (TCSP) en Martinique, un service de bus avec voies de circulation réservées identique au projet de la CADEMA à Mayotte. La Cour des Comptes rapporte que si les 14 bus ont été livrés fin 2015, l’exploitation commerciale n’a débuté qu’en août 2018, en raison « d’exigences financière supplémentaires », portant le coût du TCSP à 20€/km, « soit plus de trois fois le coût moyen d’exploitation comparable en métropole ».
Coup de pouce au préfinancement
La Réunion fait toujours figure de bon élève grâce à sa plateforme AGILE que le monde entier des RUP françaises lui envie, qualifiée de « bonne pratique » par les magistrats de la Cour. Une donnée qui ne peut conforter la décision du président du CD mahorais Soibahadine Ramadani d’avoir signé une convention de partenariat avec La Réunion, à la veille de récupérer sa compétence de gestion des fonds.
En conclusion, la Cour des Comptes émet plusieurs recommandations aux autorités de gestion, dont Mayotte peut tirer partie : favoriser le préfinancements des projets pour en accroitre le nombre, mutualiser les services instructeurs de l’État et des collectivités territoriales, organiser une formation régulière des agents instructeurs des dossiers, afin de développer leur maîtrise de la réglementation des fonds européens, accentuer leurs contrôles, fixer des indicateurs permettant « de mesurer les retombées économiques et sociales des investissements financés par les fonds européens et d’appliquer des pénalités si les objectifs ne sont pas atteints ».
La morale de l’histoire versus les magistrats comptables, c’est que, quitte à perdre des crédits européens, « il vaut mieux subir des dégagements d’office » plutôt que de trainer « des investissements manqués entrainant sur le long terme des coûts de fonctionnement lourds et non financés ».
(Lire 09-gestion-fonds-europeens-structurels-investissement-FESI-outre-mer-Tome-1)
Anne Perzo-Lafond
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