« Mais où sont les petits-terriens ?! »… Une interrogation que se posaient les 200 manifestants qui se pressaient malgré la pluie au rond point du Four à Chaux ce samedi. Ils ont espéré qu’ils grossiraient leurs rangs tout le long de la marche vers l’aéroport… en vain. Comme pour la manif de janvier 2018. D’ailleurs, nous aurions pu reprendre le même titre, « petite manifestation pour une grande cause ». Et pourtant, l’annonce de l’arrivée du président Macron aurait dû booster les muscles.
Car l’allongement de la piste avait obtenu un quasi consensus à l’issue du Débat public qui s’était tenu en 2011, avec approbation du conseil d’Etat. Le coût en fonction du scénario retenu, varie entre 178 et 282 millions d’euros.
La décision de descendre dans la rue un samedi n’avait rien d’une mobilisation Gilets jaunes de métropole, d’ailleurs rien de fluo dans la manif, mais fait suite à l’intervention d’Emmanuel Macron, qui répondait au président du Département Soibahadine Ramadani lors du Grand débat public avec les élus ultramarins, nous explique Saïd Hachim, un des leaders du Collectif des citoyens de Mayotte : « Le président de la République a invoqué un investissement de l’Etat de 14 millions d’euros dans la sécurisation de la courte piste de Pamandzi, mais c’est faux, ce sont des fonds européens. »
Les usagers paieront
Même pas en réalité, et il semble que le président n’ait pas eu les bonnes infos. Comme l’avait expliqué aux médias Gérard Mayer, Président d’EDEIS Management, gérant de l’aéroport de Mayotte, les 12 millions d’investissement pour implanter des lits d’arrêt, équipement d’arrêt d’urgence des appareils rendu obligatoire par l’Europe, sont financés pour seulement 500.000 euros par l’Etat, même somme pour le conseil départemental (Contrat de projet Etat-Région), 3 millions d’euros de fonds européens FEDER, et 8 millions d’euros de la poche d’EDEIS. Une somme qu’il va récupérer sur les redevances appliquées à Mayotte… que les compagnies aériennes vont bien sûr répercuter sur le prix des billets. Non seulement l’Etat participe peu, mais ce sont les Mahorais qui vont payer. Et sur une mise aux normes de sécurité imposée par l’Europe.
La sécurisation des lits d’arrêt aurait du être terminée le 31 décembre 2017. Nous en sommes à la 2ème dérogation, sans quoi les gros porteurs ne pourront plus atterrir.
« Avec Air Austral, l’arnaque est Total »
La mission « Amélioration de la desserte aérienne de Mayotte » menée par Bernard Buisson, Conseiller Général de l‘Environnement et du Développement Durable, qui est venue du 23 au 31 octobre 2018 pour mener son enquête sur l’opportunité d’un rallongement de piste, « a entendu tout le monde », rapporte Saïd Hachim, « le préfet nous avait indiqué qu’elle sortirait en janvier, nous ne l’avons toujours pas, et le président Macron n’en a rien dévoilé lors de son intervention ! »
Comme le dénonçait une pancarte, « avec Air Austral, l’arnaque est Total », la mobilisation portait également sur les monopoles qui touchent l’aérien, donc le prix du billet d’avion, celui de la compagnie aérienne réunionnaise Air Austral, et celui de la société Total, pour le prix du kérosène, 80% plus cher qu’à La réunion, nous avait indiqué Ayub Ingar, le directeur d’Ewa, filiale d’Air Austral. En réalité, chacun se renvoie la balle, Air Austral qui se plaint des prix du carburant et des taxes aéroportuaires, Total qui signale que le prix du kérosène impacte peu le prix du billet, et EDEIS qui accuse l’Etat de ne rien faire.
La marche a marqué une halte devant la station d’essence Total de Pamandzi, et à peine devant le dépôt SMSPP de l’aéroport, pour ne faire que passer devant l’aérogare, sans forcer les portes gardées par la gendarmerie.
Quel impact pour cette petite manif, qui scandait « on veut une piste longue », « Macron à Mayotte », on a aussi entendu des « Macron démission » ? Elle se sera tenue malgré les averses de pluies, les mêmes qui rendent problématiques les atterrissages sur les 1.930 petits mètres de piste.
Anne Perzo-Lafond
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